Selon les estimations de Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, il reste actuellement entre 700 et 800 terroristes dans les maquis. Le même ministre, rappelons-le, avait annoncé le même chiffre en avril 2001. Au début de l'année 2005, il a parlé de 400 hommes armés, soit la moitié du chiffre qu'il a rendu public avant-hier. M. Zerhouni est-il réellement au fait de la réalité du terrain sécuritaire ? S'est-il embourbé dans des chiffres erronés ? La logique voudrait qu'on fasse la réflexion suivante : soit il s'est « planté » dans ses premiers « calculs », soit de nombreuses « recrues » sont venues grossir les effectifs terroristes depuis 2001. Cette dernière probabilité paraîtrait, cependant, invraisemblable d'autant plus que les groupes armés, acculés et complètement coupés de leurs réseaux de soutien, n'ont plus la capacité de recrutement du début des années 1990. De ce fait, s'il y a eu 800 criminels en 2001, un tel chiffre serait logiquement beaucoup moins important en 2006 compte tenu du nombre de terroristes abattus ou capturés et ceux qui ont déposé les armes tout au long de ces cinq dernières années. Toutefois, du côté officiel, le ministre de l'Intérieur n'est pas le seul à s'être enlisé dans une mécanique statistique pour le moins contradictoire. Lors des travaux du colloque international sur le terrorisme qui s'est tenu au mois d'octobre 2002 à Alger, le général Maïza avait indiqué qu'il restait 600 terroristes au maquis, dont 300 du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) et une soixantaine du GIA (Groupe islamique armé). Ali Tounsi, directeur général de la Sûreté nationale, avait, quant à lui, estimé, en décembre 2004, que le nombre d'islamistes armés actifs serait de 300 à 500. L'ancien chef d'état-major de l'armée, le général Mohamed Lamari, avait parlé d'un millier. Qui, parmi tous ces responsables, détient la vérité ? Il est vrai que les maquis ne sont pas souvent statiques, d'où ce flou général qui entoure le nombre exact des combattants islamistes. Certains d'entre-eux quittent le maquis, d'autres le regagnent ou se font descendre. Il est dès lors difficile d'évaluer le nombre d'éléments encore en activité. Mais la question qui demeure posée est de savoir pourquoi les responsables s'aventurent, à chaque fois, à avancer des chiffres qui ne reflètent pas souvent la réalité. Les chiffres annoncés de-ci de-là sont-ils sujets à une quelconque manipulation ? Dans ce cas, quels en sont les desseins ? Des observateurs auraient certainement relevé le fait que la « cote terroriste » subit l'influence des démarches internes ou externes du gouvernement. Quand il s'agit de brandir la menace terroriste pour rentabiliser ce phénomène devant l'opinion internationale, les autorités officielles ont tendance à doper les chiffres. En revanche, l'opinion nationale a droit à un discours plutôt minimaliste. Mais au-delà de cette guerre des chiffres, c'est surtout la capacité de nuisance des groupes terroristes qui préoccupe le plus. Un groupe mobile, aguerri et suffisamment armé, même si son effectif est réduit, peut faire encore très mal. Partant, baisser la garde à la faveur de l'application des dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale serait une erreur qui coûterait cher.