Presque deux semaines après l'expiration du délai de reddition dans le cadre des dispositions de la charte pour la paix, les autorités n'ont toujours pas fait le bilan de ces six mois de grâce accordés aux terroristes. Une dizaine de jours avant la date butoir du 28 août, le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, a déclaré avoir enregistré « entre 250 et 300 redditions ». Un chiffre qui a suscité des interrogations chez les spécialistes de la question sécuritaire. En effet, quelques semaines seulement avant sa démission au mois de mai dernier, l'ex-chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, avait estimé à un millier le nombre de terroristes encore en activité, mais son ministre de l'Intérieur l'a contredit moins d'un mois après, en avançant le nombre de 700 terroristes. Les spécialistes qui remettent en cause les chiffres de Zerhouni ont estimé qu'après la concorde civile, « les groupes armés qui ont poursuivi leurs actions sont constitués d'éléments aguerris et ayant à leur actif au moins dix années de maquis. De ce fait, ils n'ont à aucun moment manifesté leur volonté de se rendre... ». Pour nos interlocuteurs la charte a réglé trois dossiers épineux et complexes pour les autorités. « Ceux des disparus, des terroristes élargis et de ceux qui se sont rendus entre 2001 et 2006, et surtout le règlement définitif des politiques du parti dissout, notamment les dirigeants en exil et recherchés par la justice ou les services de sécurité... », ont déclaré nos interlocuteurs qui ont qualifié, à ce titre, les résultats « de probants ». A ce titre, il est important de rappeler les propos du ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, le 23 juillet dernier, selon lesquels : « Il ne restait que 500 dossiers de personnes concernées par les mesures de la charte à étudier, et qui ont trait à l'extinction de l'action publique, la grâce ou la commutation de peine. » Pour sa part, le ministre de la Solidarité, Djamel Ould Abbas, avait indiqué, il y a deux semaines, avoir en charge 42 000 personnes et 9250 familles concernées par les mesures édictées par la loi. Cette prise en charge concerne surtout les familles des disparus et des enfants et veuves démunies des terroristes abattus dans le cadre de la lutte antiterroriste. C'est d'ailleurs ces résultats qui ont été qualifiés par Yazid Zerhouni, en marge de la cérémonie d'ouverture de la session d'automne de l'APN, de « positifs et tout à fait satisfaisants ». Il a ajouté que la Commission nationale chargée du suivi de l'application des dispositions ainsi que les différentes autres Commissions locales se « réunissent régulièrement pour dégager leur bilan », tout en promettant que ce dernier sera rendu public dès l'expiration du délai d'application de la charte. Mais à ce jour, rien n'a filtré sur ce travail et toute l'actualité est restée focalisée sur les appels du pied lancés par les partis (es) islamistes pour prolonger le délai de la mise en application de la charte et pourquoi pas aller vers une amnistie générale. Le ministre de l'Intérieur a écarté cette éventualité tout en laissant planer le doute. Selon lui, il « ne serait pas logique de refuser la repentance d'un terroriste voulant se rendre même après la fin du délai. Que voulez-vous que je dise à quelqu'un qui veut se rendre ? Remontez au maquis ? Bien sûr que non. Je dois accepter sa repentance ». Pour l'instant, tout porte à croire que le dossier de la charte est une affaire qui ne concerne que les plus hauts dirigeants de l'institution militaire et le président de la République. Les fortes pressions exercées pour pousser le bouchon très loin se sont heurtées à l'intransigeance des hommes qui affrontent le terrorisme quotidiennement. Les grandes opérations militaires menées depuis le début du mois d'août dans les fiefs des groupes armés et qui ont eu des résultats assez positifs sur le terrain, en dépit de la recrudescence des attentats (commis dans le but de desserrer l'étau sur les groupes encerclés), sont là pour confirmer que la ligne rouge à ne pas dépasser ne peut être violée. D'autant que parmi les terroristes élargis des prisons, au moins une trentaine ont déjà repris les chemins des maquis et que des dizaines de soldats meurent en sautant sur des mines ou dans des attentats, notamment en Kabylie, à l'est du pays et dans la région comprise entre Tipaza, Blida et Médéa.