Ecrites, non, il ne sait pas le faire, il les a plutôt conçues et consignées dans sa mémoire. Plus de soixante-dix chansons, (lui-même ne sait pas combien exactement, il faut qu'il tienne une comptabilité pour au moins défendre ses droits), sont de son crû et bien plus d'une centaine tirées du patrimoine, notamment des reprises de Aïssa Djermouni et Hadj Bouregaâ, tel est le répertoire de Kamel Benati, dit Kamel El Guelmi, contenu dans 31 albums et deux vidéoclips, dont un enregistré en France. Orphelin à l'âge de 6 ans, le père moudjahid ayant été en 1958 fusillé puis brûlé, Kamel, dès 9 ans, adorait déjà la musique, et surtout la gasba. A 15 ans, il jouait de la zorna ou ghaïta dans un groupe d'Héliopolis et animait les fêtes de mariage. Dans les années 1970, c'était dans l'air du temps. L'année d'après, lors d'une fête de mariage, le chanteur s'étant absenté, il le remplacera et depuis, c'est parti. Il chante en 1978 dans l'émission « El Hane oua Chabab » à Constantine, où il sera classé troisième. En 1981, il enregistrera sa première K 7 à Afrique-phone à El Eulma. Un album qui a réussi, mais il n'obtiendra aucun sou.Il aura la chance et le plaisir de travailler avec les grands ténors du genre bédouin, tels Beggar Hadda et son mari Brahim Bendebèche. Il jouait à la ghaïta et il chantait. Tout y passait, rekrouki, sahraoui, chaoui, khalidji (genre tunisien). Le sraoui de Hadj Bouregaâ, avec qui il avait animé des fêtes, faisait pleurer l'assistance et les mélomanes, chaque mot sortait, selon Kamel, non pas de sa bouche mais de son âme. Aujourd'hui, avec lui, nous constatons que certains jeunes, pour ne pas dire tous, éprouvent étrangement comme une honte de notre patrimoine, parce qu'ils ne savent pas l'apprécier, n'ayant pas l'oreille musicale, ou n'en ont aucune conscience. Fils spirituel de Brahim Bendebeche « J'ai joué avec aâmi Brahim Bendebeche en France, mais lorsque ce dernier est décédé, que Dieu ait son âme, j'ai rejoint le groupe de Hadj Bouregaâ, de son vrai nom, Messaâdia Amar Ben Ahmed Ben Bouregaâ, décédé lui en 1991, qui animait des soirées dans les cafés des Algériens à Marseille », dira-t-il. Il ajoute : « Brahim et Bouregaâ étaient très connus en France, (ils le sont toujours), à Marseille, Lyon, Grenoble, dans les milieux des émigrés, où ils allaient animer les fêtes et se reproduire dans les cafés depuis 1970 ; moi, j'ai commencé à y aller en 1983, la première fois à Marseille, puis je suis monté jusqu'à Lille. Depuis 1991, depuis exactement l'instauration du visa, je n'ai jamais été en France. Et pour cause, on m'envoie un certificat d'hébergement, pour moi, alors que je veux y aller travailler avec ma troupe. » Avec Hadj Bouregaâ, il y allait pendant l'hiver, ils y passaient le réveillon et y restaient jusqu'au printemps, parce qu'à partir de ce moment-là les fêtes commencent en Algérie. En France, même s'il n'y avait pas de fête à célébrer, ils animaient les cafés. Il passera trois hivers avec Hadj Bouregaâ, 1987-1988-1989 à Marseille. Un beau matin, au lendemain d'une soirée où il avait bien joué à la ghaïta et où il avait donné libre cours à ses cordes vocales, à la sortie de l'hôtel, Hadj Bouregaâ l'étreignit fortement en tremblotant, il avait plus de 80 ans et lui dira : « Ouallah, ouras Mekka (sur la tête de La Mecque, traduction littérale), hier, tu étais formidable, je suis fier de toi, va ton chemin fiston, que Dieu te bénisse ! » Un autre souvenir qu'il aime raconter : « Aâmi Brahim Bendebeche m'incitait, en tenant compte du souffle que j'ai, à propos de la chanson de Tayeb Marir, Trig Lakhroub, à la chanter, il aimait cela, à la manière de Tayeb et non comme Hadj Bouregaâ, qui, lui d'un autre style, non moins appréciable et apprécié, le fait en modulant la voix, en entrecoupant le souffle de petits silences. » Evoquant les conditions de vie des chanteurs en Algérie, il dira cela : « Il faut insister sur une chose, Hadj Bouregaâ a souffert quant à la perception de ses droits d'auteur. Comme on le sait, Beggar Hadda est morte dans la misère noire, mendiante. Les descendants de Hadj Bouregaâ ont reçu leur dû des maisons d'édition de France, mais pas ce que leur doivent celles d'Algérie. Moi aussi, je me demande pourquoi, au début je recevais de l'Onda une somme substantielle, puis cela ira décroissant ; l'année écoulée, par exemple, j'ai reçu...650 DA ! C'est-à-dire, je n'ai eu du mouton qu'une oreille, comme le dit si bien l'adage populaire. J'ai quatre gosses en âge de travailler qui sont au chômage. Je n'ai pas eu de logement, celui où j'habite appartient à ma mère, veuve de chahid. Je passe rarement à l'ENTV, mais un bon point pour la radio de Annaba, qui, il faut le dire, m'a sauvé... de la boue ! »