Deux autres formes d'indépendance tout à fait nouvelles Indépendance vis-à-vis des médias : le risque que le magistrat soit conditionné dans son activité par les médias ; d'un autre côté, il faut souligner parfois l'importance des médias qui en portant une affaire sur la « place publique » permet d'éviter de potentiels dérapages de la justice. Indépendance de l'ignorance : « D'un magistrat ignorant », disait La Fontaine (l'âne des reliques) c'est la robe qu'on salue « si l'on veut que cette robe qui abrite un magistrat soit respectée, il faut que le magistrat ait une bonne connaissance des matières qu'il devra traiter ; car un magistrat bien formé est un magistrat plus indépendant ». D'autre entraves à l'indépendance du pouvoir judiciaire peuvent être relevées : 1 Les entraves d'ordre budgétaire : qui influent sur les conditions du travail du juge ; couverture des juridictions en nombre suffisant de magistrats, greffiers et autre personnel judiciaire ; moyens en termes de structures pédagogiques et formateurs pour les écoles de formation ; le manque de moyens consacré par le budget de l'Etat peut être une entrave sérieuse. 2 Les entraves idéologiques et sociales : le pouvoir exécutif tente d'imposer dans l'opinion et dans celle des magistrats une idéologie de sécurité ; camouflage d'une récession économique et sociale avec ses retombées judiciaires de par une pénalisation de la pauvreté et de la misère et la sanction de l'exercice de certains droits fondamentaux par la justice. 3 Les entraves économiques : apparition d'une délinquance économique de type nouveau et la difficulté par un simple particulier d'atteindre les puissances économiques par une action en justice met au premier plan des préoccupations des justiciables des rapports entre la justice et les puissances financières. 4 Les entraves matérielles : les conditions de vie et de travail du magistrat doivent avoir une attention particulière de la part de l'Etat (salaire décent et indexé sur le coût de la vie, accession à la propriété immobilière, véhicule, retraite intégrale, prise en charge médicale...) de manière à mettre le juge à l'abri de tout besoin et la sécurité de son emploi. Les lois organiques sur le statut de la magistrature et sur le Conseil supérieur de la magistrature ne font pas référence aux principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature, adoptés à Milan en 1985 par le 7e congrès de l'ONU sur la prévention du crime et le traitement des délinquants et les procédures par leur efficace mise en œuvre en 1989 ; Faut-il rappeler que les documents dudit congrès furent « endossés » par l'AG de l'ONU (A/R/Res/40/32 ; 29 novembre 1985) qui, plus tard, accueillit avec satisfaction les principes et invita les gouvernements « à les respecter et à prendre en considération dans la structure de leur législation nationale » (A/Res/40/146,13 décembre 1985). Faut-il aussi rappeler qu'un poste de rapporteur spécial au niveau de l'ONU a été créé en 1994 afin de recueillir les informations sur les atteintes à l'indépendance de la justice par les pays membres de l'ONU. Il y a lieu aussi d'indiquer que l'on ne peut concevoir l'indépendance du pouvoir judiciaire sans évoquer l'indépendance du barreau et la garantie des droits de défense ; ceux-ci sont consacrés par la Constitution qui précise notamment l'obligation de la défense en matière pénale. Le respect des droits de la défense est une garantie à l'indépendance de la justice. Le concept de l'indépendance tend à s'internationaliser à travers les différents instruments juridiques internationaux et leur mécanisme de protection (que l'Algérie a d'ailleurs ratifiés) déclaration universelle des droits de l'homme (art. 10) - pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (art. 14) - Charte africaine des droits de l'homme (article 26) - protocole facultatif se rapportant aux droits civils et politiques de 1966 ainsi que les principes endossés pour l'assemblée générale des Nations unies et les mécanismes mis en place pour œuvrer à concrétiser l'indépendance de la justice dans le monde ; le principe de l'indépendance de la justice est au cœur des tendances lourdes des droits de l'homme ; cependant, ni le FMI ni la Banque mondiale n'ont encore l'expérience en matière de justice en soulignant au passage leurs thérapeuties et ses conséquences désastreuses au plan social. Il est temps de « délocaliser » la justice pour amorcer un vrai débat de société car, après tout, la justice tout comme la mairie, l'école, c'est notre affaire et la manière dont se rend la justice, en notre nom, devrait nous intéresser, voire nous inquiéter. La tendance à réduire les indicateurs de performance dans la justice à des indicateurs de rendement (nombre de dossiers traités) et l'introduction dans la justice d'une culture de résultats (justice de statistiques) est en contradiction avec les conventions internationales ratifiées par notre pays avec le principe de l'Indépendance de la justice et du procès équitable. L'institution de la médiation et de la dépénalisation de la pauvreté contribuerait grandement à « désencombrer » la justice. La réforme du contenu des programmes de l'école de formation des magistrats en introduisant la culture du respect de la personne humaine, de la présomption d'innocence, de l'instruction à charge et à décharge. La culture du doute, la culture de l'indépendance de la justice, l'ouverture des futurs magistrats sur les problèmes de la société et introduire peut-être le serment par le magistrat de respecter l'indépendance de la justice. Il est temps aussi face aux limites de notre système pénal inquisitoire d'ouvrir un débat de société sur la réforme en renforçant notamment les droits de la défense au niveau de la garde à vue, de l'introduction d'un débat contradictoire au niveau de l'instruction, de mettre sur un pied d'égalité la défense et le ministère public et de faire du juge d'instruction un véritable juge du siège et peut-être un juge des libertés et de la détention ou carrément la suppression du juge d'instruction. C'est autant de garantie aux justiciables et à l'idée même de l'indépendance de la justice. C'est précisément cette justice, celle où le juge est gardien des libertés fondamentales du citoyen que chacun ressent, que chacun réclame.