Le Premier ministre malien, Cheikh Modibo Diarra, aurait-il décidé de faire cavalier seul dans le traitement du dossier de l'Azawad ? C'en a tout l'air. Alors que le président malien attend toujours un retour d'écoute à son appel au dialogue qu'il leur a adressé il y a près de 10 jours, Cheikh Modibo Diarra a catégoriquement rejeté samedi la perspective de négociation avec les groupes islamistes armés occupant le nord du Mali. Dans un entretien publié à Paris par le journal le Monde, le chef de l'Exécutif malien a, en effet, affirmé que «le temps pour ces négociations est passé». «Les pays qui parlent de négociations nous ont fait perdre du temps», insiste-t-il, semblant évoquer implicitement le Burkina Fasso ou l'Algérie. Dans la foulée, il a fait savoir qu'«un millier de terroristes dotés d'armes sophistiquées» sont désormais «installés» dans le nord du Mali et que la situation «empire de jour en jour avec les amputations, les flagellations, les viols, les destructions de sites» perpétrés par les islamistes. Le 21 septembre, le président malien Dioncounda avait pourtant appelé solennellement les «groupes armés qui opèrent dans le Nord» au «dialogue». Mais le Premier ministre malien n'y croit plus : «Nous avons un médiateur désigné par la Cédéao (le président burkinabé Blaise Compaoré), mais à ce jour, nous n'avons pas reçu, de la part des terroristes et des occupants, un seul signal disant nous voulons négocier.» Pourtant, au même moment, une source officielle malienne assurait qu'une rencontre venait d'avoir lieu, à Alger, entre une délégation des islamistes du groupe Ançar Eddine et un haut gradé de l'armée malienne. L'approche politique menacée ? Cheikh Modibo Diarra cherche-t-il à torpiller toute tentative de règlement politique à la crise ? Le chef de l'Exécutif se défend d'une telle idée. Et pour preuve, il a fait savoir qu'il accepte uniquement de discuter avec les dirigeants indépendantistes touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA). Aucune négociation n'est envisagée donc avec Ançar Eddine, un groupe constitué de rebelles touareg, que Bamako soupçonne de rouler également pour AQMI. La sortie de Cheikh Modibo Diarra fera certainement plaisir au commandement du MNLA qui avait été évincé de la région par AQMI et ses affidés. L'idée est de savoir ce que vaudra un accord avec le seul MNLA sachant qu'il est loin d'être le principal acteur sur le terrain. Pays frontalier avec le Mali, l'Algérie recommande pour sa part à ce que l'on privilégie encore les négociations au nord du Mali et s'oppose à l'intervention d'une «force militaire internationale» que Bamako demande à l'ONU d'autoriser. Cette position est également celle exprimée par les Etats-Unis qui estiment que seul «un gouvernement démocratiquement élu aurait la légitimité de négocier un accord politique au nord du Mali, de mettre fin à la rébellion et de restaurer l'Etat de droit». Celle-ci (la position) a été d'ailleurs rappelée hier à Alger par le commandant des force américaines en Afrique, le général Ham. Même son de cloche du côté du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, qui a souligné cette semaine que «toute solution militaire pour résoudre la crise sécuritaire dans le nord du Mali devrait être envisagée avec une extrême prudence», car «elle pourrait avoir de graves conséquences humanitaires». A l'exception de la France qui milite pour une intervention militaire à brève échéance, de nombreux autres pays occidentaux doutent par ailleurs aussi clairement de la capacité de la Cédéao à mettre en place la force d'intervention évoquée. Et surtout, si l'intervention doit se faire sous forme «d'appui» à l'armée malienne, il faudra attendre la restructuration de cette dernière, ce qui demanderait, selon des estimations optimistes, au moins 18 mois. Et encore le résultat n'est pas garanti !