La nouvelle loi sur les hydrocarbures balise le terrain à l'exploitation de gaz de schiste. Entre avantages fiscaux susceptibles de motiver les compagnies pétrolières qui décideraient d'investir dans les hydrocarbures non conventionnels et allongement des délais d'exploration à 11 ans et d'exploitation à 40 ans pour ces shale gas, prévus par le texte de l'amendement, la volonté d'encourager le nouveau filon est clairement affichée. Une volonté d'ailleurs réitérée, lundi, par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui a annoncé, catégorique, que l'Algérie allait investir dans les hydrocarbures non conventionnels. La compagnie nationale des hydrocarbures n'a pas attendu ce nouvel environnement réglementaire et institutionnel pour se lancer dans la phase d'évaluation de l'état des réserves et de la rentabilité de tels projets. Au mois de juin dernier, le directeur central des associations de Sonatrach, Kamel Eddine Chikhi, annonçait, à partir de Kuala Lumpur, que la firme pétrolière nationale disposait déjà d'un puit pilote dans le bassin d'Ahnet. Quelques jours plus tard, CGG Veritas remportait un appel d'offres pour la réalisation d'une étude sismique terrestre à Timimoun, entrant dans le cadre du plan de développement des gaz non conventionnels. Ce fut ensuite au tour de Shell de signer un accord de coopération avec Sonatrach pour évaluer le potentiel de ces ressources. C'est dire que l'intérêt des compagnies du secteur est vif. Un intérêt qui contraste pourtant avec la position affichée par une partie de l'opinion publique, qui épouse un sentiment écologique né dans de nombreux pays occidentaux quant à la crainte d'un impact de ce genre d'industrie sur l'environnement et, pour le cas de l'Algérie, sur l'intégrité des ressources aquifères de l'Albien. Une pétition a été lancée par des Algériens résidant en Europe afin de dénoncer les dangers d'une exploitation des gaz de schiste. Face à cette interpellation, le Premier ministre, se voulant rassurant, a affirmé qu'il existe aujourd'hui des moyens permettant une extraction sans impact sur l'environnement. Or, à cette conscience écologique, le débat d'experts entre détracteurs et laudateurs des shale gas met en cause la pertinence de l'investissement dans ces nouvelles ressources. Hocine Malti, ancien vice-président de Sonatrach, a en ce sens émis, dans une interview accordée à notre confrère Le Soir d'Algérie, de sérieuses interrogations sur les motivations d'un tel choix. Il oppose ainsi aux shale gas une autre piste, celle du développement des énergies renouvelables, laquelle serait, selon lui, plus pertinente au vu des potentialités dont dispose l'Algérie en la matière. Un point de vue partagé par un autre ex-responsable de Sonatrach, Nazim Zouiouèche, lequel ne ferme pas non plus la porte aux gaz de schiste, estimant que l'Algérie se doit de rester en veille technologique, d'évaluer ses potentialités en la matière et de cerner toutes les problématiques liées à l'exploitation des gaz de schiste. Cependant, que ce soit par l'énergie solaire ou les hydrocarbures non conventionnels, un souci constant semble occuper les esprits des experts et des pouvoirs publics, à savoir comment appréhender l'avenir énergétique du pays. Une interrogation farfelue pour un pays riche en hydrocarbures ? Ce n'est pas si sûr. Face à la demande croissante en énergie sur le marché intérieur et le pic atteint sur les vieux puits, le gouvernement se fixe l'objectif de mobiliser toutes les ressources. Le ministre de l'Energie et des Mines a d'ailleurs été clair à ce propos, il y a quelques jours. Que ce soient les hydrocarbures conventionnels, les hydrocarbures non conventionnels, le charbon, le nucléaire ou les énergies renouvelables, tout est bon à prendre pour satisfaire la demande sur les marchés interne et externe. Et même si l'on est au stade de l'évaluation des potentialités, de la rentabilité économique et de l'impact sur l'environnement, les gaz non conventionnels demeurent pour l'heure une option viable. Et tous les experts s'accordent sur ce point : il faudra un jour ou l'autre aller vers les gaz non conventionnels, notamment à la lumière de l'évolution rapide des technologies dans ce domaine. L'ancien PDG de Sonatrach, Abdelmadjid Attar, nous confiait il y a quelques jours que les réserves actuelles de gaz dont dispose l'Algérie pourraient couvrir entre 30 et 50 ans de demande. Et les gaz de schiste sont nécessaires pour «la transition à un mix énergétique rapide sur la décade à venir». Une opinion défendue par le premier responsable du secteur qui, au-delà de la satisfaction de la demande interne, développe la nécessité de permettre à l'Algérie de continuer à exporter des hydrocarbures pour garantir les conditions de financement de son économie. Autrement dit, il s'agit surtout de s'assurer de la continuité de la rente.