Voilà un scrutin qui a été suivi avec grand intérêt et ceux qui s'attendaient au changement en Géorgie auront vu juste. A vrai dire, le changement en question – et il est d'autant plus substantiel que doivent intervenir des changements constitutionnels – ne surprend personne. Autant le président en poste, Mikheil Saakachvili, avait été porté au pouvoir par une vague – la révolution Rose – impressionnante, témoignant de la volonté de changement dans cette ancienne république soviétique, autant l'usure du pouvoir paraît très forte. Elle l'est tellement que le principal vainqueur de ces élections législatives semblait lui-même surpris par sa victoire. Très vite d'ailleurs, le président Saakachvili reconnaissait sa défaite, sauf que là ne s'arrête pas l'histoire de ce scrutin remporté par un parti – le Rêve géorgien – au nom prédestiné pour peu que l'histoire ne se répète pas et ne tourne pas au cauchemar. Bien que M. Saakachvili reste le chef de l'Etat, la défaite de son Mouvement national unifié à ces élections met fin à la domination de son parti depuis son arrivée au pouvoir, en 2003. «Il est clair que le Rêve géorgien a remporté la majorité» aux législatives, a déclaré M. Saakachvili. «Cela veut dire que la majorité parlementaire doit former un nouveau gouvernement, et moi, en tant que Président, conformément à la Constitution, je vais faciliter le processus de manière à ce que le nouveau gouvernement commence à travailler», a-t-il ajouté. Les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont indiqué que ces élections avaient constitué un «pas important» pour la démocratie, en dépit d'une campagne électorale tendue et du harcèlement d'opposants. Après le dépouillement des bulletins dans 29,1% des bureaux de vote pour les 77 sièges sur 150 répartis à la proportionnelle, le Rêve géorgien recueille 53,11% des voix contre 41,57% pour le parti de M. Saakachvili, a indiqué la commission électorale de ce pays du Caucase. La répartition des sièges dépend, cependant, d'un système électoral mixte qui accorde aussi 73 sièges au scrutin majoritaire, pour lesquels, selon de premiers résultats partiels, le Rêve géorgien est en tête dans 7 des 10 circonscriptions de la capitale, Tbilissi, un bastion traditionnel de l'opposition. La participation a été de 61% selon les chiffres officiels. Dans l'Assemblée sortante élue en 2008, le parti de M. Saakachvili détenait 119 sièges au total sur 150.Tout paraît donc d'une logique que refuse le vainqueur de ces élections, qui, dès l'annonce des résultats, a appelé le président Saakachvili à démissionner. Il a également averti que les fonctionnaires qui avaient commis des délits sous le gouvernement sortant seraient poursuivis en justice. En termes de pouvoir, tout devrait changer avec le renforcement des attributions du Premier ministre et du Parlement au détriment du chef de l'Etat. Cela sent toutefois le règlement de comptes politiques, le vainqueur annonçant un changement démocratique «pour la première fois» dans l'histoire du pays. Et si l'électorat s'est montré sensible à cet engagement, c'est par rapport à des promesses non tenues, voire bien pire que cela avec la récente diffusion de vidéos montrant des scènes de torture de détenus dans la prison de Tbilissi. M. Ivanichvili a aussi accusé le président Saakachvili d'avoir déclenché la guerre avec la Russie de l'été 2008 qui a mené à la perte de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, deux territoires sécessionnistes, où Moscou a depuis lors maintenu des troupes. M. Saakachvili a en retour accusé son rival de faire le jeu de Moscou. Et lui, comme pour s'en défendre, prône une adhésion à l'OTAN et une normalisation des relations avec la Russie. Une manière, pour le chef du Rêve géorgien, de se donner de la marge en assumant de nouvelles relations et sans renier les anciennes.