Yacine Ketfi expose pour la première fois en Algérie. Il est présent, avec une quarantaine de photographes et plasticiens, au 3e Festival national de la photographie d'art (Fespa) qui se déroule jusqu'au 30 octobre au palais de la culture Imama, à Tlemcen. Yacine Ketfi est connu par les photos des paysages sahariens et les images aériennes de Ghardaïa et d'autres régions du pays. Cette interview de Yacine Ketfi est la première d'une série avec les reporters photographes et photographes plasticiens qui ont marqué l'art photographique algérien ces cinquante dernières années. -Yacine Ketfi est enfin présent dans une exposition photos en Algérie ! La fin d'une époque ? On m'a appelé pour participer au Fespa. J'ai accepté. Cela n'a pas eu lieu par le passé. Je voulais faire une exposition en Algérie. Je n'ai pas eu l'occasion de le faire. Je ne suis pas déçu. Je suis content d'être présent au Fespa et de rencontrer tous les photographes et plasticiens qui y participent. J'ai pu voir le travail. J'ai beaucoup apprécié. Il y a un bon niveau. J'ai été agréablement surpris. J'ai fait le choix des photos moi-même. J'ai proposé une quarantaine d'œuvres. On m'a dit qu'il valait mieux se concentrer sur les paysages. D'autres photographes ont fait des portraits. -Quel genre de photos aimez-vous ? les paysages, les portraits... J'aime la beauté là où elle se trouve. Cela peut être un visage, un paysage urbain, un paysage naturel, un site industriel. La beauté sous tous ses angles... -Vos photos sont célèbres. On les voit partout sur les calendriers, les affiches, dans les offices de tourisme, les aéroports et évidemment sur internet... J'ai pris ces photos à partir de 1991. D'autres ont été réalisées auparavant. L'Algérie est trop grande pour être traversée. J'ai fait des photos dans des régions connues (Beni Abbès, Ahaggar, Kabylie, ndlr). Il y a tellement de choses à voir ! Une vie ne suffirait pas pour sillonner l'Algérie. Toutes les régions du pays méritent d'être filmées ou prises en photo. Il faut savoir regarder, attendre le moment et les lumières. Je n'ai pas réalisé d'autres photos dans d'autres pays. Ma spécialité est l'Algérie. Faire découvrir ce pays pour ceux qui ne le connaissent pas. -Avez-vous réalisé aussi des photos aériennes ? Des occasions se sont présentées, j'en ai tiré profit pour faire ce travail. Plus tard, j'ai demandé des autorisations pour faire d'autres photos aériennes. En vain. Arthus Bertrand (photographe français, ndlr) a pu avoir ces autorisations. Il a fait de superbes photos qui ont permis de connaître notre pays vu du ciel. -Donc, Arthus Bertrand a eu plus de chance avec les autorités algériennes que le photographe algérien que vous êtes... Arthus Bertrand est un grand nom. C'est un avantage. Cela a fait une énorme publicité pour l'Algérie. On peut le remercier ainsi que ceux qui sont à l'origine de l'initiative. Arthus Bertrand a réalisé des images que nous n'avons pas l'habitude de voir (...) Je veux toujours réaliser mon projet de photos aériennes. C'est un rêve. Ce n'est pas commun. J'ai tenté à plusieurs reprises de monter dans un ballon à hélium pour faire des photos, je n'ai malheureusement pas réussi pour l'instant. -Avez-vous publié des livres ? J'ai publié trois beaux livres en coédition. Ils ont été publiés dans des pays francophones, comme le Canada, la Suisse, la Belgique, la France et ailleurs. Il y a eu aussi des éditions en allemand et en anglais. Plus de 50 000 exemplaires ont été vendus. Pour des beaux livres (généralement chers, ndlr), c'est une prouesse, sans faire de publicité. Les trois albums concernent l'Algérie, villes et campagnes, avec la prédominance du Sahara. -On pense qu'à la faveur du cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie, il est temps de penser à créer une maison ou un musée de la photo algérienne. L'argument avancé est que plusieurs images sont éparpillées, rendant la reconstitution de la mémoire nationale difficile. Qu'en pensez-vous ? Je suis largement d'accord avec cette idée. Il serait temps d'avoir un organisme qui s'occupe de rassembler ce patrimoine iconographique national. Il ne faut pas laisser ce patrimoine éparpillé. Avec le temps, tout va disparaître. Il faut saisir, récupérer, classer et conserver pour les générations montantes la mémoire de ce pays. -Et comment Yacine Ketfi est-il venu à la photo ? question classique diriez-vous ? Alors, c'est simple : je suis venu à la photo parce qu'il fallait faire quelque chose (rires). Je suis arrivé à un moment où il fallait faire un choix. Sur une feuille en papier, j'ai écrit ce que j'aimais faire et ce que je n'aimais pas faire. Photographe est ce qui correspond le mieux à ma personnalité. Ma décision fut prise en 1983 et 1984. De là, j'ai commencé à me documenter. J'ai appris sur le tas. J'ai travaillé au journal El Amel, puis à la revue du ministère de la Jeunesse et des Sports. Avec le peu de connaissances que j'avais, j'ai travaillé et j'ai pu avoir ma première carte de presse. J'ai suivi des cours en parallèle avec un professionnel belge. Je me suis mis sérieusement à l'œuvre. J'ai la chance d'avoir des parents qui pouvaient me payer des études à l'étranger. J'ai étudié la photo en France et en Belgique. Je suis revenu en 1991. Et puis pour me faire connaître, j'ai lancé une série de cartes postales. J'ai travaillé ensuite pour l'ONAT (tourisme).