«Nous assistons de moins en moins à des investissements et de plus en plus à l'abandon du métier par la vente des embarcations de pêche et la reconversion à d'autres activités», déplorent les pêcheurs. L'opération de séduction menée par Sid Ahmed Ferroukhi à Béni-Saf se traduira-t-elle sur le terrain des réalités ? Le monde de la pêche, quoique conquis, attend plutôt le ministre, les décisions dont il a promis de faire l'annonce dans quatre à cinq semaines après synthèse de tout ce que lui a révélé le travail de proximité qu'il a entrepris. Parmi les corps de métiers qu'il a approchés, les armateurs des deux ports de pêche de la wilaya de Témouchent (Béni-Saf et Bouzedjar) jugeront sur la base de ses réponses sur leur évaluation de la situation. Ils ont résumé celle-ci en six points et le lui ont adressé. Le premier d'entre eux concerne la question de la rareté de la ressource halieutique qui se traduit par une chute des prises, évaluée à 40% de ce qu'elles étaient, et par une activité de pêche devenue difficile et onéreuse. Les armateurs préconisent la réalisation d'une étude scientifique afin de dégager des propositions à même d'éviter une prévisible catastrophe. Par ailleurs, la rareté du poisson a entraîné des difficultés financières pour les armateurs qui ont bénéficié de prêts dans le cadre de la relance économique. D'où des difficultés pour eux à rembourser les créances selon les échéanciers bancaires : «Nous assistons de moins en moins à des investissements et de plus en plus à l'abandon du métier par la vente de leur embarcation de pêche et la reconversion à d'autres activités». Pour ce qui est des moyens matériels, l'indisponibilité de la pièce de rechange est citée. Elle impose l'immobilisation indéterminée des embarcations, ce qui oblige l'armateur à recourir à des pièces usagées pour un dépannage provisoire, une situation dont profite le marché informel en appliquant des tarifs prohibitifs. Pour limiter les coûts, les professionnels proposent qu'en Algérie il soit fait de même que dans les pays voisins, c'est-à-dire l'acquisition à l'étranger de moteurs et d'équipements d'armement récupérés sur des bateaux récents mis à la casse, ce qui ferait baisser les coûts à 30%. Malaise D'autre part, le nécessaire entretien périodique des bateaux et leur réparation au niveau de la cale sèche pourraient être avantageusement faits deux à trois fois par an plutôt qu'une, cela à la satisfaction des armateurs et du prestataire de service qui aurait ainsi un plan de charge plus conséquent si le coût unitaire était revu à la baisse. Dans ce même ordre d'idées, les armateurs dénoncent qu'on leur applique pour ce type d'opération la TVA au taux de 17% alors que la loi de finances 2006 l'a fixé à 7%. Question infractions disciplinaires et de leurs sanctions, les professionnels estiment que plutôt que de renvoyer tous les cas systématiquement devant le tribunal, il conviendrait de songer à l'institution d'une commission de discipline devant laquelle seraient traitées les affaires les moins graves. Pour ce qui est des deux infrastructures portuaires de la wilaya, les armateurs pointent du doigt le déficit en équipements d'accompagnement des quais pour tout ce qui concerne l'accostage, l'immobilisation et l'amarrage des bateaux (bollards et défenses). De même, le nombre de cases pour l'entreposage du matériel est jugé insuffisant. Le réseau anti-incendie à Béni-Saf est inexistant alors qu'à Bouzedjar il n'est pas opérationnel pour défaut de conduites d'alimentation et de pompe. Au niveau du premier port, un sardinier a pris feu causant la mort de son mécanicien en raison de l'absence de conduites pour alimenter les bouches d'incendie. Le port de Bouzedjar voit par ailleurs régulièrement ses activités bloquées en période de grosses précipitations du fait des coulées de boue et de pierrailles dévalant des falaises qui l'entourent. Quant à Béni-Saf, depuis la réalisation d'un épi sur sa jetée du large, à 50 m du musoir, l'ensablement de l'entrée du port a été aggravée plutôt que réduite comme prévu. La passe s'engraisse plus rapidement faisant passer le tirant d'eau théorique de -6 à -4, empêchant tout mouvement nautique en légère houle. Du coup, les sorties en mer sont impossibles entraînant un manque à gagner pour tout le monde de la pêche. De ce fait, la nécessité de la fréquence du dragage, qui était auparavant de 20 à 25 ans, est passée à 3 années ! Enfin, toujours au port de Béni-Saf, les armateurs dénoncent le fait que les postes à quai libérés par des bateaux ayant changé de port d'attache ne soient pas attribués à des bateaux d'armateurs béni-safiens obligés d'être rattachés à des ports voisins.