Alors que le risque d'un conflit entre les voisins syrien et turc est pour le moment écarté, l'armée turque a néanmoins renforcé sa présence dans le village d'Akçakale, touché mercredi dernier par des obus syriens qui y ont tué cinq civils et provoqué des représailles militaires de la Turquie. Les bombardements turcs ont depuis cessé, mais ils peuvent cependant reprendre en cas de nouvel incident, selon un responsable turc. Le gouvernement turc a obtenu le feu vert du Parlement pour poursuivre les opérations militaires en territoire syrien au nom de la «sécurité nationale».Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a assuré néanmoins que son pays n'avait «pas l'intention de déclencher une guerre avec la Syrie». Après de longues tractations entre les pays occidentaux et la Russie, un allié du régime Al Assad, le Conseil de sécurité a publié, jeudi soir, une déclaration dénonçant le bombardement syrien contre le village turc et appelant les deux pays voisins à la retenue. Selon des diplomates en poste à l'ONU, le Conseil devait également adopter, hier, une déclaration dénonçant des attentats commis à Alep (nord de la Syrie) mercredi dernier, qui ont fait au moins 48 morts, en majorité des militaires. Cette condamnation, réclamée par Damas, est une concession à la Russie et a facilité un compromis après des heures de tractations. En Syrie, comme tous les vendredis depuis le début de la révolte en mars 2011, des manifestations ont eu lieu à travers le pays après la prière hebdomadaire. Les manifestants ont appelé une nouvelle fois à la chute du régime de Bachar Al Assad. «Nous voulons des armes et non pas des déclarations pour assurer la protection de nos enfants» est le slogan qui a été arrêté pour l'occasion. Les manifestations se poursuivent même si elles sont moins importantes que celles des premiers mois, en raison de l'escalade des violences. Les craintes du Conseil de sécurité Sur le terrain, les chars et l'aviation syriens ont fait subir, hier, au quartier de Khaldiyé dans la ville de Homs (Centre) son plus intense bombardement en cinq mois, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). L'armée gouvernementale a encerclé le quartier visé également par des frappes aériennes, a précisé l'OSDH. «C'est la première fois que l'armée utilise des avions de combat à Homs», troisième ville du pays, a déclaré le directeur de l'OSDH, Rami Abdelrahmane. Les troupes syriennes tentent de prendre d'assaut la vieille ville de Homs où sont retranchés les insurgés. Ailleurs dans le pays, l'armée a continué à bombarder des bastions rebelles dans les provinces de Deir Ezzor (est), Deraâ (sud), Idleb (nord-ouest), Damas, Lattaquié (ouest) et Alep (nord), a ajouté l'OSDH en faisant état de combats entre rebelles et soldats dans ces zones. Dans la province de Raqa (nord), des combats se déroulaient dans la localité de Maâdan, et les forces du régime menaient des perquisitions et des arrestations dans la ville même de Raqa, a précisé l'OSDH. Cette province est située à une cinquantaine de kilomètres au sud des villes syriennes de Tall Al Abyad et Rasm Al Ghazal, où les troupes turques ont bombardé des cibles jeudi dernier, tuant plusieurs soldats syriens, selon l'OSDH. Mais selon M. Abdelrahmane, la situation à la frontière était calme hier. L'«incident» à l'origine de cette énième crise entre la Turquie et la Syrie semble donc clos pour cette fois. Mais pour cette fois uniquement, car dans l'absolu, des incidents similaires peuvent se reproduire. La Turquie abrite et entretient, au sud de son territoire, les principales bases des guérillas anti-Bachar Al Assad. Et donc qu'elle le veuille ou non, Ankara est impliquée dans le conflit. Partant, il est à parier qu'un jour où l'autre, l'armée syrienne sera tentée d'aller régler leur compte, surtout si elles sont à portée de fusil. Après tout, le régime de Bachar Al Assad n'a plus rien à perdre. C'est la raison pour laquelle, sans doute, le Conseil de sécurité de l'ONU et la Ligue arabe ne cessent de mettre en relief les graves répercussions de la crise en Syrie sur la sécurité de ses voisins et sur la stabilité et la paix dans la région. Mais cela, apparemment, la Turquie ne s'en soucie pas beaucoup.