Ceux pour qui la politique est interdite, elle l'est », a annoncé hier, lors d'une conférence de presse à la résidence Djenane El Mithaq à Alger, Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement. Sans citer de nom, et en expliquant la charte pour la paix et la réconciliation nationale, il a précisé que les responsables de « la tragédie nationale » ne sont plus autorisés à revenir sur la scène politique. « L'Etat veillera à l'application stricte de la loi. Il faut lire la charte jusqu'au bout. Elle est claire. C'est un Etat, qui a triomphé du terrorisme, qui veut rassembler son peuple. La charte n'est pas venue traiter un problème politique comme certains veulent le faire croire. Elle est venue accélérer la fin du terrorisme », a-t-il déclaré, disant que les citoyens ne « doivent pas s'inquiéter ». Chacun, selon lui, doit rester dans les limites de ce « qu'a décidé le peuple ». »Ni anarchie, ni retour à la manipulation de la religion, encore moins à la violence », a-t-il indiqué. Selon lui, la volonté de l'Etat de rétablir la paix ne signifie pas un retour à « l'anarchie » des années 1990 et la situation, constatée après la mise en application des textes de la charte, ne va pas durer. Ouyahia faisait visiblement allusion aux sorties publiques de Ali Benhadj et de Abdelhak Layada. « Nous allons dire à ces personnes de ne plus faire de déclarations politiques », a-t-il dit. Il a annoncé que l'Etat est décidé à appliquer « l'esprit et la lettre » de la charte du 29 septembre. Ce n'est pas dans la continuation du cauchemar que se trouve la meilleure solution de l'Algérie. Notre l'intérêt, par-delà toute conception politique, est de faire en sorte qu'on rassemble cette nation qui aura tout le loisir d'être différente dans ses choix politiques. Voulons-nous d'une stabilité, d'une réconciliation et d'une cohésion nationales reconquises pour cinq ou dix ans ou voulons-nous garantir la permanence de cette cohésion ? », s'est-il interrogé, rappelant qu'à un moment donné, il avait été classé parmi les « éradicateurs ». Il a souligné que la concorde civile avait permis le retour à la vie sociale de 6000 terroristes. Le processus de la charte permettra, d'après lui, la libération de 2000 à 2500 activistes. Aucun d'eux ne va bénéficier d'une indemnisation. Il a expliqué les catégories devant bénéficier des nouvelles dispositions de compensations financières. D'abord, les familles des disparus et les familles victimes du terrorisme seront traitées sur un pied d'égalité. Il rappelle que le dispositif destiné aux familles victimes du terrorisme existe depuis 1994. A propos des disparus, il a indiqué qu'une liste nominative a été établie en 2004. « Au début, la liste des disparus comprenait 10 000 noms déclarés à l'ex-ONDH. Entre 2000 et 3000 d'entre eux ont été récusés. Certains étaient dans les maquis, d'autres en prison et d'autres à l'étranger. Il n'y a pas de boulevard pour le faux et l'usage de faux dans cette affaire », a-t-il précisé. Selon lui, les familles démunies, dont un membre était terroriste et abattu, bénéficient d'un régime particulier. Elles sont prises en charge par le fonds national de solidarité. « Nous ne faisons pas de différence entre Algériens, mais chaque chose à sa place », a-t-il relevé. Il a annoncé qu'une liste nominative de 17 000 terroristes tués par les forces l'ordre a été établie à la fin 2005. Les commissions de wilaya de suivi de la charte vont recenser la situation sociale des différentes catégories de familles. Un décret relatif à la réintégration « des gens impliqués dans la tragédie nationale » sera étudié aujourd'hui en Conseil de gouvernement, la semaine prochaine en Conseil des ministres. « Il n'y aura pas de boulevard à l'arnaque », a-t-il dit. Il a déclaré que ceux qui avaient appelé au djihad n'auront plus la tribune des mosquées. Ouyahia a parlé de « postes sensibles » relatifs, notamment à l'éducation et aux affaires religieuses. « Tout cela sera mené par un Etat rétabli dans toute sa mission et qui veillera à préserver le régime républicain », a-t-il insisté. Un premier bilan de la charte sera établi dans trois mois. Ahmed Ouyahia a exprimé « le soutien et l'affection de l'Etat » aux familles des victimes du terrorisme. « Nous sommes à leur côté. Si nous prétendons guérir les blessures de la nation, nous sommes conscients des limites humaines (...) Le terrorisme, quel que soit le temps, nous le vaincrons », a-t-il lancé. Interrogé sur l'éventualité de l'application des dispositions de la charte sur le cas de l'officier Lembarak Boumaârafi, Ahmed Ouyahia a eu cette réponse : « A mon savoir, le dénommé Boumaârafi a assassiné un chef d'Etat, Boudiaf Allah yerhmou ». Sur le nombre des acitivistes au maquis, il a repris le chiffre de 700 à 800, annoncé cette semaine par le ministre de l'Intérieur. Il a rendu un hommage aux unités de l'ANP qui, sur le terrain, luttent contre le terrorisme. « Au quotidien, nous comptons nos morts, au quotidien, nous comptons ce que nous abattons... », a-t-il déclaré, justifiant le maintien de l'état d'urgence par « les nécessités » de la lutte contre le terrorisme. D'après lui, les personnes étrangères, « quelle que soit leur nationalité », libérées après avoir été condamnées pour fait terroriste en application de la charte, seront expulsées du pays. A propos du dossier d'activistes algériens vivant à Londres, le chef du gouvernement a précisé que des discussions sont menées actuellement avec les autorités britanniques sur un éventuel accord judiciaire d'extradition obéissant à la règle de l'offre et de la demande, autrement dit, un mouvement à deux sens. Le dossier de Abdelmoumène Khalifa, qui fait l'objet de poursuites pénales en Algérie, est inscrit dans ces discussions. « La météo » de l'instabilité Sur un autre chapitre, Ahmed Ouyahia a démenti à demi-mot l'éventualité d'un remaniement ministériel. « Dans le monde, il y a deux décisions qui ne sont jamais annoncées à l'avance : la décision des gouverneurs des banques centrales d'augmenter ou de baisser le taux de réescompte et les décisions liées au gouvernement. Je peux vous tranquilliser. L'équipe fait son travail », a-t-il déclaré. D'après lui, la frénésie autour du gouvernement n'est pas saine. « L'Etat n'a pas de souci d'événement, mais un souci d'objectif. Ceux qui pêchent en eaux troubles, et mon propos n'est pas adressé aux politiques mais au monde des affaires, ont une seule météo qui leur convient : l'instabilité », a-t-il indiqué, disant que l'Exécutif est décidé à mener à bout son programme « loin des batailles d'arrière-garde ou des manœuvres marginales ». Aucune indication sur l'origine de ces manœuvres. Il a évoqué les mesures prises récemment pour la lutte contre la contrebande. « Il y a eu de l'agitation. Il y avait chez ceux d'en face une certitude que l'opération allait durer deux à trois mois. Cinq mois après, ils se sont rendu compte que c'est du sérieux », a-t-il dit. Interrogé sur la hausse des salaires, il a rappelé les déclarations du chef de l'Etat relatives « au triangle » dans lequel sera « tracée » cette question : inflation, productivité et croissance. « Il est important de retirer le dossier de la problématique salariale du marché de la surenchère. C'est une affaire sérieuse », a-t-il dit. Le chef du gouvernement a voulu expliquer les propos tenus au Conseil de la nation sur la question salariale et qui ont suscité des réactions d'hostilité. J'ai dit au Sénat : « N'attendez pas de moi que je vienne dire que cette revendication est légitime parce que c'est un slogan chez nous. Même les gouvernants ont tendance parfois à tenir le bâton au milieu. Ce n'est pas le style de la maison. Notre enjeu est l'emploi », a-t-il précisé. Il a considéré comme « indélicat » d'annoncer la date de la tripartite (gouvernement-UGTA-patronat) sans consulter les autres partenaires. Il a annoncé que le statut de la Fonction publique sera prêt avant la fin de l'année. Ce texte devrait être soumis théoriquement à la tripartite. L'Algérie est, selon lui, décidée à combattre la corruption et les textes d'application de la loi anticorruption, votée récemment par le Parlement, seront publiés en avril prochain. Il a expliqué le retard dans la préparation des textes par le volume chargé du travail au ministère de la Justice. Ouyahia va demander des explications au secrétaire général du gouvernement sur la non-publication encore de la loi anticorruption dans le journal officiel. Concernant le blanchiment d'argent, l'Algérie, d'après le chef du gouvernement, est en avance par rapport à certains pays. « On les défie de nous fournir un sou qui a fait l'objet de blanchiment d'argent en Algérie », a-t-il lancé, invitant les journalistes à être prudents dans la manipulation de ce concept.