Le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia est apparu lors de la conférence de presse animée mardi dernier comme un timonier qui tient le gouvernail avec fermeté et résolution. Alors que le débat sur la déliquescence de l'autorité de l'Etat revient au-devant de l'actualité avec l'incursion dans la vie politique des anciens dirigeants du parti dissous, en dépit des interdits auxquels ils sont soumis, Ouyahia s'est évertué devant les journalistes à renvoyer l'image d'un Etat fort, qui n'a rien cédé et qui ne cédera rien sur les choix fondamentaux du peuple. Au doute et à l'inquiétude qui se sont emparés d'une partie de l'opinion suite aux déclarations successives, aux accents triomphalistes et franchement revanchards des anciens responsables du parti dissous, qui n'ont pas caché leur détermination d'œuvrer en vue de leur réhabilitation politique et de l'intégration de leur courant dans le champ politique, Ahmed Ouyahia a opposé le langage de l'espoir et de l'optimisme dans une Algérie nouvelle qui ne pourrait plus jamais ressembler, a-t-il juré, à celle de « l'anarchie des années 1990 ». Pour réconfortant qu'il soit, le plaidoyer sur la force de l'Etat de droit dont Ouyahia s'est fait l'ardent avocat recadrant fort opportunément un débat qui replongeait par petites touches l'Algérie dans les méandres d'un passé que l'on pensait, d'un point de vue stratégique, définitivement révolu, n'en appelle pas moins certaines observations que l'on voudrait bien mettre sur le compte de l'état de grâce qui accompagne traditionnellement des événements majeurs dans une société. La loi et la politique Ouyahia a averti de la manière la plus solennelle que ceux qui se dresseraient en travers de la loi trouveront en face l'Etat qui sera sans concession pour faire respecter les règles du jeu établies. Une déclaration qui n'est pas sans rappeler le fameux « Seïf El Hadjadj » que Bouteflika avait promis, sans que cela ne soit suivi d'effet, d'abattre sur les têtes des terroristes qui n'auraient pas répondu à l'appel de la Rahma. Sans vouloir douter de la sincérité ni des intentions du gouvernement de faire appliquer la loi dans toute sa rigueur,comme le proclame haut et fort Ouyahia, le laxisme qui a entouré la gestion politique des anciens dirigeants du parti dissous a fait peser de lourdes présomptions sur l'Etat accusé à tort ou à raison de cogiter dans le secret « du cabinet noir » un projet fumeux sur le dos de la République et de l'idéal démocratique. La loi est applicable à partir de la date de sa promulgation. Force est de reconnaître qu'en l'espèce, l'Etat a failli à ses responsabilités, puisque l'ordonnance sur la charte est déjà entrée en vigueur depuis plusieurs jours, alors qu'elle est violée quotidiennement sans que les pouvoirs publics ne s'en offusquent. A moins qu'il y ait derrière les atermoiements et le silence des autorités face aux dépassements relevés une stratégie savante qui consiste à lâcher du lest pour faire sortir le loup de sa tanière et pouvoir sévir par la suite. Ou alors serait-ce le rapport de force au sein du pouvoir qui a fini par basculer sous l'action rédemptrice des forces démocratiques au sein des sphères de décision qui auraient repris le dessus dans le bras de fer engagé autour du projet de société ? Dans ce climat de confusion, on ne sait si les événements, qui ont marqué la scène politique avec le retour par effraction à la vie politique des anciens dirigeants du parti dissous, relèvent de simples répliques d'un séisme politique ancien, qui remonte aux origines de la crise ou s'il s'agit d'un nouveau cataclysme de faible intensité pour l'heure, mais qu'il importe de prendre avec le plus grand sérieux.