Créative, intelligente, passionnée et pleine d'humour. Voilà quelques caractéristiques de la bande dessinée féminine en Algérie. Quelques balbutiements dans le passé, et aujourd'hui un nouveau terrain d'expression pour de vraies passionnées. «En 2012, la moitié des participants étaient des jeunes filles. J'avoue que c'était les plus attentives, douées et intelligentes», déclare Etienne Schréder, scénariste bédéiste belge, coloriste et formateur de jeunes talents en Algérie. Il a organisé, dans le cadre du Fibda, plusieurs sessions de formation qui, aujourd'hui, donnent leurs fruits. Un formateur étranger pour apprendre les codes de la BD aux jeunes dessinateurs algériens ? Cela peut paraître paradoxal. Pas pour Etienne Schréder : «La relation s'est vite établie, et dans tous les cas, il a fallu la construire. Naturellement, je me dis que je mets les pieds dans le plat. Ce que je fais toujours en premier lieu, c'est de demander ce qu'ils font de leurs deux mains. Puis, je leur pose la question s'ils lisent la bande dessinée. Il y a souvent des “non''. J'ai envie de dire tant mieux, car tout est à faire et l'apprentissage devient une pratique agréable et facile à gérer.» Ses ateliers spécialement conçus pour les dessinateurs en herbe, des amateurs ou juste des passionnés, ont été une aubaine pour apprendre la bande dessinée, sans passer par de grandes écoles ou des stages à l'étranger. Depuis l'inauguration de ces ateliers, les jeunes filles s'y intéressent davantage et ne ratent plus l'occasion de s'y inscrire. «Un cadre professionnel mis à disposition et animé par une personnalité du milieu de la BD, c'est à la fois encourageant et intriguant. Certains ont râlé, car ils voulaient voir Slim ou Dilem à la tête des ateliers», nous apprend le père d'une participante. «Ma fille s'est démarquée lors de cet atelier. Je suis surpris et heureux qu'elle ait trouvé un chemin concret, celui de la BD. L'essentiel c'est qu'elle sache quoi faire de sa vie», poursuit-il. Tendance Etienne Schréder ne cache pas sa satisfaction quant aux talents féminins en matière de BD algérienne. Il confie également son étonnement et enthousiasme lorsqu'il a rencontré ses premiers élèves «ce qu'on appelle les “prémonstres'' de la session d'octobre 2010. J'ai vite compris que j'avais affaire à des jeunes extrêmes cultivés.» Etienne Schréder ne fait pas la comparaison entre un jeune apprenti ou une jeune apprentie, il relève seulement une tendance qu'on ne voit pas forcément pendant l'effervescence des journées du Fibda. «Par le passé, il y a eu quelques tentatives par des femmes dessinatrices, mais ça n'aboutissait pas, ou peu. C'était comme dans la plupart des domaines, une affaire d'hommes ! J'ai vraiment apprécié l'album Waratha regroupant toutes ces jeunes filles, qui nous font connaître leurs centres d'intérêt. Ça nous renseigne beaucoup sur ce qu'elles sont», raconte Djahida, une mordue de bande dessinée, qui transmet, aujourd'hui, le virus à ses élèves du primaire. karma Raconter une histoire à l'aide d'images, faire vivre des caractères imaginaires en leur donnant une énergie, presque un karma, communiquer avec le lecteur, c'est ce que les candidats aux ateliers apprennent. Pour Nechwa Djeghri, illustratrice et designer, cet atelier a été bénéfique, puisque «avoir la critique d'un dessinateur de BD expérimenté doublée de celle d'un pédagogue était une bonne chose. Etienne Shréder a pu déceler mes points forts et a essayé de me montrer comment les mettre en valeur. Il a aussi repéré mes faiblesses et m'a montré comment les exploiter». Nechwa est ravie d'avoir participé à ce projet, dont la publication a regroupé plus de femmes que d'hommes. «J'admire le travail de mes consœurs, je suis même fan de quelques-unes. Elles sont en perpétuelle recherche de l'amélioration de leur travail. Il me semble qu'aujourd'hui, on s'est approprié cet outil d'expression, et on a beaucoup de choses à dire !», conclut-elle.