Abderrahmane El Koubi, l'un des chanteurs chaâbi représentant encore la génération des grands maîtres, vient d'enregistrer chez Dounia production un CD avec quatre titres dont une chanson - c'est la nouveauté - interprétée en kabyle. Le produit qui a été couplé avec une cassette audio est déjà mis sur le marché. Il est le fruit d'une longue maturation lorsqu'on sait qu'El Koubi, en comparaison avec de nombreux chanteurs, n'est pas particulièrement porté sur l'aspect commercial de son activité artistique. N'empêche, ce CD qui a mis quatre mois pour sortir des studios, est venu au bon moment pour témoigner de la vitalité de ce cheikh qui ne fait peut-être pas l'unanimité autour de lui dans le milieu des puristes mais qui ne laisse jamais indifférent. En l'occurrence, El Koubi en reprenant un classique comme El Kaoui, avec un arrangement musical original sur le mode bérouali, s'est adonné plus à un exercice de style qu'à une création proprement dite qui pourrait éventuellement faire date dans les annales. La même appréciation reste valable pour H'mamet stah et Yal gomri, deux chansons à travers lesquelles l'artiste affirme sa personnalité en respectant les limites du chaâbi traditionnel, même s'il a voulu leur donner quelques ailes. Avec Izriw yeghlav lahmali (les larmes de ma douleur), El Koubi a carrément fait dans l'innovation en se jetant dans l'inconnu. « C'est la première fois que je chante en kabyle, dit-il. Bien que ce soit une reprise d'un texte qui est déjà passé par El Anka, l'expérience m'a intéressé. Je pense n'avoir pas fait de ratage. » C'est loin d'être le cas. L'artiste y met tous son cœur avec les intonations qu'on lui connaît et qui font partie de son style. Un CD donc sous forme d'un patchwork agréable à l'écoute qui en appelle d'autres dans un proche avenir, puisque l'auteur nous apprend que trois nouveaux produits sont en cours de réalisation et sortiront vraisemblablement avant la fin de l'année, dans lesquels figurera l'enregistrement de El Meknassia et surtout El Ouafate. El Koubi a aussi au programme des concerts publics en Algérie et à l'étranger ; il sera notamment à l'affiche au Centre culturel algérien de Paris . A 64 ans, l'homme paraît à la plénitude de son art. Si le chaâbi lui colle à la peau depuis son jeune âge, il considère après une carrière de plus de trente ans qui est loin d'être finie que ce genre populaire est, contrairement à ce qui se dit, en déficit d'une relève authentique. « Les vrais maîtres sont de plus en plus rares. De plus, les jeunes d'aujourd'hui sont impatients, ils veulent tout et tout de suite. C'est un problème d'époque. » Le new-chaâbi qui suscite tant de polémique, El Koubi le voit presque comme une utopie. « Le chaâbi est comme le blues, il a horreur d'être dénaturé. Et puis, le regretté Mahboub Bati a tout inventé avec la chansonnette. » Plus conformiste que Abderrahmane, ça ne doit pas exister...