Portraits de quatre présentateurs de JT qui ont rapidement imposé leur présence à l'antenne et ringardisé leurs confrères de la Télévision nationale. -Mustapha Kessaci : perfection man d'El Djazaïria Un jour, alors qu'il se trouvait au concert d'Aït Menguelet au théâtre de verdure de Riad El Feth, Mustapha a été interpellé par une femme et sa fille qui l'avaient reconnu. Elles lui ont reproché de trop bouger les mains pendant son journal télévisé… Depuis, il se contrôle. Présentateur du journal de la chaîne d'El Djazaïria, depuis une année, Mustapha Kessaci jongle entre la présentation du JT, les cours en «management des médias» qu'il dispense aux étudiants en master à l'Ecole supérieure des sciences de l'information et la préparation de son doctorat. Bourreau du travail, il avoue être obnubilé par la recherche de la perfection dans son métier, car ayant déjà eu une expérience malheureuse à la télévision algérienne, et de s'être fixé comme mission l'amélioration permanente du contenu du journal. Pour parvenir à son objectif, il reconnaît accorder beaucoup d'importance aux commentaires et remarques des internautes sur la Toile. «Je lis tout ce qui se dit sur ma prestation du jour lors du JT, explique-t-il. Et je réponds individuellement aux internautes. Je considère que c'est la moindre des choses quand on veut maintenir un lien avec les téléspectateurs.» Le style Kessaci est un mélange d'arabe algérien et de petites strophes qu'il adore incorporer lors du lancement d'un sujet ou pour l'introduction d'une collègue à l'antenne. Cette volonté de jouer avec les mots lui vient de son amour pour la langue et de sa profonde admiration pour un ancien journaliste-vedette de la télévision algérienne, Mourad Chebine. «C'est pour moi la référence absolue. Par la qualité de son travail. Par sa capacité à savoir utiliser le mot juste, il a beaucoup apporté à la télévision algérienne et m'a donné envie de faire ce métier.» De sa nouvelle notoriété, il avoue qu'elle ne le perturbe pas outre mesure, même s'il reconnaît que sa vie a changé, mais jure qu'il continue à fréquenter les mêmes copains. Tout en déclarant que la télévision n'est pas une fin en soi, il reconnaît qu'il lui serait difficile d'y mettre un terme. «C'est comme arrêter de respirer», confesse-t-il. -Madiha Allalou : la future Bengana d'Ennahar TV Dans un salon de thé pas très loin du siège d'Ennahar TV, à Saïd Hamdine, m'attend Madiha Allalou. Buste droit, visage figé, toute de noir vêtue. Elle a de longs cheveux qui tombent en cascade et de grands yeux verts qu'elle pose sur vous et qui ne vous lâcheront plus tout au long de la rencontre. Bien loin de l'image de la présentatrice guindée, en tailleur classique et cheveux en chignon, que les téléspectateurs algériens ont appris à aimer. Dans le métier, elle se trimbale une réputation d'arrogance et de sévérité. Contre ces accusations, elle dégaine son regard qui tue et balaie d'un revers de la main ces insinuations. «Ce n'est pas parce que je ne rigole pas pendant la présentation du JT, explique-t-elle, que je ne sait pas rigoler. Je suis un véritable boute-en-train. Mais j'aime tellement vivre l'info, que je ne m'accorde aucune incartade à l'antenne.» Née en 1987, celle qui depuis l'âge de 14 ans avait annoncé à des parents médusés qu'elle voulait travailler dans la communication, a connu le parcours classique de toutes celles qui rêvent un jour de devenir la nouvelle Khadidja Bengana (ancienne journaliste à l'ENTV et aujourd'hui star à Al Jazeera) : une licence en communication et en sciences de l'information à Ben Aknoun et la galère de toutes celles qui tentent de trouver un point de chute dans le métier et qui sèment des CV à tout vent. Elle n'aura pas à attendre trop longtemps, puisque rapidement elle rejoindra l'équipe de radio étudiant où elle apprendra les rudiments du métier. «Cela a été une expérience extraordinaire, raconte-t-elle J'ai beaucoup appris au cours de cette période. La radio m'a permis de mieux maîtriser ma voix et surtout de découvrir le reportage.» La vie de Madiha va basculer le jour où le patron d'Ennahar TV, Anis Rahmani, décide de lui faire passer un test, une heure avant que la chaîne ne lance officiellement son journal télévisé. Devant sa performance et son aisance face à la caméra, le patron de la télé décide illico presto de l'associer à Riyad Benamer pour former le premier duo de la télévision algérienne, alors qu'une autre journaliste était prévue. «Je me suis retrouvée en train de présenter le journal, alors que je n'avais rien préparé, se souvient-elle. Mais à aucun moment je n'ai eu peur. Il y a tout de suite eu un feeling avec Riyad. On est tellement complémentaire que quand il ne termine pas une phrase je le fais à sa place.» -Hala alchami : la pro d'Echourouk TV Celle que les confrères présentent comme la «Syrienne» d'Echourouk TV est en réalité une journaliste qui possède la double nationalité : syrienne par le père et algérienne par la mère. Depuis trois mois, les Algériens ont découvert cette jolie jeune femme de 34 ans au phrasé parfait, et qui, grâce à sa double culture, n'a eu aucun problème à s'intégrer dans le paysage télévisuel algérien. «J'ai fait toute ma scolarité ici, raconte-t-elle. J'ai étudié le droit à Ben Aknoun et n'ai quitté l'Algérie qu'en 2002.» C'est par l'intermédiaire d'une cousine qui travaillait dans la communication à Damas que Hala apprend que la chaîne MBC était à la recherche d'une correspondante sur place. Elle, qui a toujours rêvé de faire du reportage et qui n'a fait des études de droit que pour parer aux coups durs de la vie, quitte l'Algérie et part travailler pour le network saoudien. «Je suis arrivée à Damas au moment où le régime procédait à une ouverture de son économie, explique-t-elle. Il y avait une énergie folle dans le pays. On sentait que des choses étaient en train de changer. Professionnellement et humainement, cela a été pour moi une expérience extraordinaire.» Suivront Koweït TV et six années à la télévision syrienne où elle a eu à subir les pesanteurs d'une télévision d'Etat et la censure. Son arrivée sur la chaîne de Ali Fodhil coïncide avec la volonté de la direction de l'information de trouver une journaliste chevronnée, opérationnelle, au moment où Echourouk TV mettait à l'antenne son journal. Son recrutement a fait grincer des dents au sein de la rédaction, qui ne comprenait pas pourquoi les responsables ont trouvé nécessaire d'aller chercher une autre journaliste. «C'est normal que certains pensent qu'il ne fallait pas que la chaîne me recrute, explique t-elle, car on fait un métier où l'ego et l'ambition en sont le moteur.» Quand Hala parle de la Syrie, ses beaux yeux verts se voilent de tristesse. D'ailleurs, depuis son arrivée sur la chaîne, elle refuse de traiter des sujets liés à la crise syrienne et avoue avoir un pincement au cœur à chaque fois qu'elle doit en parler pendant la présentation de son JT. -RIyad Benamer : bébé star d'Ennahar TV A 10 ans, alors que les enfants de son âge jouaient à devenir les nouveaux Ronaldo ou Zidane dans les terrains vagues des quartiers d'Alger, Riyad s'amusait à transformer sa chambre en décor de studio, pour bidouiller des petits bouts d'émission avec la caméra que sa maman lui avait offert. Pour le plus jeune présentateur d'un JT au monde, comme il aime à le rappeler, faire de la télévision n'est pas uniquement un but qu'on se fixe, c'est une raison d'être. «Je n'ai jamais imaginé faire autre chose dans ma vie, avoue-t-il. Travailler dans l'audiovisuel est quelque chose que j'ai toujours voulu faire. Aujourd'hui je vis mon rêve.» Un rêve qu'il s'attelle à construire patiemment, étape après étape, sous le regard conciliant d'une maman qui a toujours accepté de financer les ambitions de son fils unique. «Ma mère est mon premier soutien et celle qui m'a toujours encouragé à faire ce que j'ai envie de faire.» Bac en poche, Riyad rejoint tout naturellement les bancs de l'Institut des sciences de l'information et de la communication (ISIC), à Ben Aknoun, où entre deux cours, il réunissait ses copains de promo, dans les allées de l'Institut pour des imitations endiablées des JT. «On savait tous qu'il allait réussir, se souvient Lotfi Sid, journaliste à El Watan Week-end et ancien copain de fac. Il avait la rage et ne doutait pas de ses capacités.» C'est grâce à cette capacité à ne jamais douter de soi, de son talent et avec un aplomb à toute épreuve qu'il va être repéré par les dirigeants d'Ennahar grâce à une vidéo postée sur youtube et dans laquelle on le voyait présenter un journal fictif, enregistré dans le cadre de ses études. La chaîne va rapidement repérer son immense potentiel et l'engager sur-le-champ. C'est ainsi que depuis huit mois les téléspectateurs algériens ont découvert sur leur petit écran, un jeune homme au visage anguleux, aux yeux rieurs, attifé d'un costume et d'une cravate qui lui donnent l'air d'un clerc, et qui sans jamais sourciller annonce les informations de sa voix de baryton, en étant persuadé d'être «le meilleur présentateur de JT».