La mort d'une jeune femme ainsi que de son bébé a ému la population locale qui est sortie dans la rue, la semaine dernière. Plus d'un millier de personnes a battu le pavé à travers la grande artère de la ville de Tigzirt mardi dernier en écho à l'appel d'une Coordination des comités de villages de la commune d'Iflissen. Une marche silencieuse en guise de solidarité et d'un cri d'alarme quant aux conditions de soins dans la région. En effet, une parturiente de 29 ans et mère d'un enfant, a perdu la vie le 16 octobre dernier au cours de son évacuation de l'EPSP de Tigzirt. La défunte, A.M., originaire du village Ighil-Boussouel, a été admise au service de la maternité de l'EPSP, la veille, «dans un état de santé normal,» précisera le mari. Le lendemain, peu avant neuf heures du matin, elle a accouché d'un mort-né. D'après les informations dont nous disposons, des complications ont survenu juste après ce douloureux accouchement. La défunte a perdu beaucoup de sang, conséquence d'une hémorragie interne. Faute de moyens humains et matériels suffisants pour parer à ce genre de cas, il a été décidé l'évacuation de la jeune femme vers onze heures à bord d'une ambulance. La malheureuse est décédée en cours de route avant même d'atteindre la ville de Tizi Ouzou, distante de Tigzirt d'une quarantaine de kilomètres. La nouvelle du décès a vite fait le tour de la région. La consternation était totale puisque c'est la première fois que ce genre de drame arrive à Tigzirt. L'on a appris que de peur d'une réaction négative de la part de la population, l'enceinte de la structure hospitalière a été sécurisée par les services de sécurité de Tigzirt. Il faut reconnaître que depuis ce décès tragique, de nombreuses questions commencent dès lors à fuser d'un peu partout. Les citoyens parlent de la défaillance du système de santé publique «qui n'a pas pu ou su faire le nécessaire pour sauver au moins la maman», disaient-ils le jour de l'enterrement. C'est ce que nous avons pu lire sur l'une des quatre banderoles brandies lors de la marche de ce mardi et qui disait «Halte aux négligences !». D'autres ne comprennent pas comment cette polyclinique, inaugurée en 1978 pour une population qui avoisine aujourd'hui les 40 000 habitants, se retrouve dans cette situation, démunie de moyens. La polyclinique, disent les citoyens, est dépourvue d'un spécialiste en gynécologie, de pochettes de transfusion sanguine et d'ambulances médicalisées. Voulant connaître la vérité sur le drame qui s'est abattu sur sa famille, le mari de la défunte a déposé une plainte au tribunal de Tigzirt. «Nous n'accusons personne. C'est de notre droit de savoir pourquoi cette femme est morte», dit-il. Un citoyen du village Ighil-Boussouel, sous l'effet de la tristesse, évoque «un dysfonctionnement.» D'autres soulignent la dégradation de l'EPSP où «il nous arrive, affirment-ils, d'évacuer nos malades nous-mêmes.» Un membre de cette coordination des comités de villages nous a expliqué que «c'est grâce à la mobilisation citoyenne que la population pourra arracher ses droits.» Le directeur de la santé et de la population de la wilaya de Tizi Ouzou, dépêché à Tigzirt, a promis, selon notre interlocuteur, l'affectation d'un gynécologue pour les consultations, une fois par semaine et la réouverture de la pharmacie de l'EPSP. L'acquisition d'ambulances équipées serait pour bientôt. Mais parmi les promesses les plus attendues pour soulager un tant soit peu les malades de la région, c'est l'ouverture graduelle, dès ce mois de décembre, du nouvel hôpital de Tigzirt.