Une femme voilée directrice d'école soutenue par son mari quand elle n'est pas à la maison et une jeune et brillante entrepreneure, non voilée, issue de l'école musulmane de Montréal. Ce sont les deux lauréates vedettes du neuvième gala annuel de la Fondation club avenir qui récompense l'excellence au sein de la communauté des Algériens du Canada. Tout un symbole qui démolit les préjugés sur la femme algérienne soumise et sans volonté et sur les valeurs que peuvent apprendre les enfants dans les écoles musulmanes de la métropole québécoise – un débat que veulent lancer les tenants du discours anti-immigration musulmane au Québec. Ainsi, Amira Boulmerka fondatrice et directrice de l'école de l'excellence à Québec (la capitale de la province) a remproté la palme d'or. Le prix de l'entreprenariat au féminin est revenu à Tasnim Djellab qui a fondé la compagnie Led Savior spécialisée dans les luminaires commerciaux et résidentiels à faible consommation d'énergie. Le jury de la fondation ne s'est pas arrêté là. Le prix du jeune potentiel est allé cette année à une femme : la multi-championne de judo Sara-Myriam Mazouz. Il est clair que le comité de sélection et de nomination de la fondation n'a pas cherché uniquement à jouer avec la symbolique. Les critères de sélection « rigoureux et transparents ont été à la base du choix des trois nominés dans chaque catégorie », a insisté le président du comité de sélection, le professeur à l'Ecole nationale d'administration publique de l'université de Montréal, Bachir Mazouz – aucun lien de parenté avec son homonyme lauréate, faut-il le préciser. Dans la catégorie contribution communautaire, trois bénévoles de l'association le Centre culturel algérien de Montréal ont été primés : Karim Settouane, Si Youssef Sichaïb et Lamine Kalla. Un prix qui, au fond, récompense tous les bénévoles de cette association. Le prix reconnaissance d'une réussite exceptionnelle est revenu ex aequo au Pr. Faical Larachi de l'université Laval et au Pr. Mounir Boukadoum de l'université du Québec à Montréal. La personnalité de l'année, qui permet de récompenser les amis de la communauté, est allé à Jean-Marie Toulouse, ancien directeur de HEC Montréal. Le gala d'excellence est aussi une occasion pour les hommes et femmes politiques du Québec et du Canada de s'afficher avec les représentants de la communauté. La fondation a eu cette année, entre autres, la ministre de l'immigration du Québec Diane De Courcy, le chef de la deuxième opposition à l'Assemblée du Québec, le député Gerard Deltell de la Coalition Avenir Québec et dont les parents sont nés à Alger avant d'émigrer au Canada en 1958. Les trois députés fédéraux d'origine algérienne Tarik Brahmi, Djaouida Sellah et Sadia Groguhé faisaient partie des invités de marque ainsi que la député provincial d'origine marocaine Fatima-Houda Pépin qui a souligné l'impact de la révolution algérienne dans le monde. L'ambassadeur d'Algérie au Canada, Smail Benamara, un habitué du gala était présent. Slimane Benaissa, la guest star avec sa pièce El Moudja Wellat La soirée de gala ne s'est pas arrêtée à la remise des prix. Le dramaturge algérien Slimane Benaissa était la guest star avec sa pièce El Moudja Wellat qu'il a présentée pour la première fois à Montréal devant un public algérien – Slimane Benaissa est un habitué de la métropole mais pour un large public. Avant le rendez-vous de ce samedi, une centaine de personnes ont pu passer la soirée de jeudi dernier avec Slimane Benaissa lors de la levée de fonds organisée par la fondation. Le créateur de la pièce Babor Ghraq (Le bâteau a coulé) a échangé avec les présents sur plusieurs sujets : le problème de la langue en Algérie, le système algérien qui n'a pas changé depuis l'indépendance, les relation entre l'Algérie et la France, le printemps arabe, son identité métissée... Par ailleurs, lors de son passage à l'émission les Rencontres Berbères de Radio Centre-ville, Slimane Benaissa est revenu sur la genèse de cette pièce : « Babor Ghraq était une analyse de l'époque du parti unique. C'était une pièce évènement dans laquelle le peuple a retrouvé un discours qu'il attendait. Avec la pièce El Moujat Welat, on trouve une autre démarche, même si dans le style d'écriture on retrouvera l'esprit de Babor Ghraq dans la mesure que c'est le même auteur. Après dix ans d'exil, je me suis dit que les évènements en Algérie ont été tellement saucissonnés qu'on a l'impression que chaque évènement efface l'autre. Donc, j'ai essayé de refaire une synthèse historique depuis 1945 jusqu'à aujourd'hui sans délaisser et sans négliger aucun évènement quel qu'il soit jusqu'à l'arrivée du président actuel. J'ai fait en quelque sorte un lien historique avec et entre tous les évènements. Je crois qu'il est important pour le peuple algérien et la société algérienne de reconstruire notre histoire avec ce qu'elle a de glorieux, de magnifique, de triste et d'heureux. Aussi, je crois qu'on ne peut pas trier dans l'histoire. Il s'agit de construire la mémoire du peuple algérien avec ses douleurs, ses joies, ses réussites et ses échecs. En ce moment, il n'y a pas de parole sociale. Il y a le silence social. Et ce silence social, on ne sait pas ce qu'il couve. Donc, il est très important que la société ait la parole. À partir de là, on essayera de construire, de faire des choses tous ensemble » (berberes.com). Slimane Benaissa est déjà sur une autre pièce qui commence à être jouée en France : Exil sans GPS. A rappeler que la fondation Club avenir a été fondée en 2003 par Le professeur aux HEC Montréal Taïeb Hafsi, Bachir Halimi fondateur de la compagnie Excendia et Ahmed Aina fondateur de Dialexia Communication.