Le recouvrement des impôts en Algérie, autres que ceux prélevés à la source, continue à être très faible compte tenu notamment de la propagation des phénomènes de l'évasion fiscale et de l'ampleur des circuits de l'économie informelle. Dans cet ordre d'idées, la Cour des comptes, à travers son rapport d'appréciation sur l'avant-projet de loi portant règlement budgétaire de l'exercice 2010, a particulièrement jugé important de mettre en exergue la faiblesse de l'impôt sur le patrimoine, voisin de l'impôt sur la fortune, qui demeure, selon cette instance, «très insignifiant en dépit de l'importante évolution de la propriété privée». Ainsi, constate la Cour des comptes, l'impôt en question, censé frapper les riches, «ne représente qu'un seuil de 0,02%» dans la structure des contributions fiscales directes. Soulevée récemment par les députés lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2013, la question de la taxe sur le patrimoine est certes épineuse, en ceci qu'il est difficile de recenser les biens privés pour pouvoir les soumettre adéquatement à l'impôt. Or, comme le met si bien en avant la Cour des comptes, l'impôt sur le patrimoine dans sa configuration actuelle souffre déjà d'une faiblesse accrue en termes de recouvrements réalisés. En la matière, la Cour fait globalement état d'une persistance de «la dégradation du rapport entre les constatations et les recouvrements, plus particulièrement pour les impôts perçus par voie de rôle». A titre indicatif, elle cite dans son rapport les montants des restes à recouvrer sur l'IRG et l'IBS qui ont totalisé 543 milliards de dinars à fin 2010. La contribution des entreprises nationales à l'IBS, note encore la Cour des comptes, «n'est que de 44,885 milliards de dinars, soit 17%, alors que les 83% restants, soit plus de 210 milliards de dinars, sont réalisés avec des entreprises étrangères par voie de retenues à la source». Ce niveau de contribution des entreprises nationales, considère la même instance de contrôle, «reste dérisoire compte tenu de l'activité économique du pays». De même, est-il relevé, les réalisations au titre du produit de la TVA à l'intérieur, qui a atteint un montant de 199,72 milliards de dinars en 2010, «ne reflètent nullement la réalité économique et sont la résultante, notamment de l'ampleur du marché informel». Obligation de paiement par chèque Ce phénomène, indique le rapport de la Cour des comptes, incite les contribuables à user de pratiques frauduleuses, «telles que l'achat de factures pour bénéficier des déductions en matière de TVA». Concernant cette taxe, ajoute le même organe de contrôle, 93,50% des recouvrements se font au comptant, les services fiscaux n'allant pas au-delà des seules déclarations faites par les contribuables. Le même constat s'applique également aux services douaniers qui, selon la Cour, procèdent rarement aux vérifications d'exactitude et de régularité sur les valeurs déclarées, alors qu'un contrôle efficient et exhaustif, considère-t-elle, «aurait certainement contribué à optimiser le recouvrement» sur les opérations d'importation. Très circonspecte quant à l'efficience des procédures actuelles de recouvrement et de lutte contre l'incivisme fiscal, la Cour des comptes souligne par ailleurs que la fiscalité pétrolière gagnerait, en termes de performance et de recettes, si l'administration fiscale disposait d'une structure centrale pour le contrôle et le suivi des flux des produits pétroliers. En la matière, relève le rapport sur l'avant-projet de loi portant règlement budgétaire de 2010, l'administration des impôts «ne dispose pas de moyens appropriés pour vérifier les déclarations qui lui sont produites». Et pour «contenir raisonnablement l'expansion de la fraude fiscale», la Cour des comptes plaide vivement en faveur de «l'utilisation obligatoire du chèque bancaire comme moyen de paiement pour toutes les transactions». Une mesure qu'elle considère à la fois comme concrète et indispensable pour faire face à l'incivisme fiscal et aux méfaits de l'économie informelle.