Le concept de développement local est-il compatible avec des régimes politiques dirigistes où le président de l'Assemblée populaire communale est dépourvu de son pouvoir décisionnel ? Est-il possible d'envisager la création des PMI-PME, dans une localité où le moindre projet communal (électrification, assainissement ou ouverture de pistes) est automatiquement soumis à des résistances et des oppositions à l'expropriation par les habitants, eux-mêmes censés recevoir les bienfaits du développement local ? Autant d'écueils sérieux qui empêchent l'épanouissement de la petite entreprise. Mais, le pari que s'est lancé l'institut international de management (INSIM) de Tizi Ouzou, en organisant un séminaire sur le développement économique local, s'inscrit dans la perspective de cerner les difficultés afin de mieux les appréhender. Le directeur de l'institut, M. Zerourou, dira : " En organisant ce séminaire, notre démarche est toute simple. Au moment où l'Algérie prend un virage économique important, ce genre de rencontres avec un éminent spécialiste en développement local permet aux uns et aux autres de profiter de son savoir-faire et de ses expériences dans de nombreux pays dans lesquels il avait à intervenir. Notre institut initie un débat sur des projets de développement des communes de notre région ". L'auditoire composé des élus locaux, des universitaires, des représentants d'entreprises et d'organismes publics tels que l'ANSEJ et la CNAC sont venus écouter l'exposé du conférencier, André Joyal, un économiste canadien qui a travaillé en Algérie dans les années 1960 (lire entretien). Pour cet expert en développement local, les démarches pour la réussite d'un projet créateur de richesses et d'emploi au niveau local reposent essentiellement sur tous ceux qui sont des acteurs potentiels à divers degrés dans le développement ; enseignants, retraités, associations, autorités, entrepreneurs, etc. Mais, pour lui, la création de la petite entreprise devrait concerner en premier lieu, la municipalité et non pas les autorités centrales. Lors des débats, la question d'un élu communal sonne comme une fatalité : " Comment peut-on parler de développement local, lorsque les délibérations de l'assemblée élue sont soumises à l'approbation d'un fonctionnaire de l'Etat ? ". André Joyal est resté sans réponse, se contentant d'émettre l'espoir que l'Etat algérien opère des réformes politiques et institutionnelles nécessaires. Un universitaire soulèvera, pour sa part, le poids des complexités sociales et la rigidité de certaines valeurs culturelles. L'attachement de l'individu à sa terre constitue un facteur défavorable aux projets collectifs. " Les facteurs sociologiques et culturels ne sont pas à négliger. Les oppositions à l'expropriation des terrains sont telles que même des projets d'envergure régionale et nationale accumulent des retards ", dit un enseignant en sciences économiques qui citera les cas du barrage de Taksebt, le chantier de transfert de l'eau, la rocade sud ou la voie ferrée de Tizi Ouzou qui ont accusé des retards considérables en raison du retard des traitements des dossiers d'indemnisations. L'expérience algérienne d'André Joyal diffère fondamentalement de deux importantes expériences ; l'une vécue au Canada et l'autre au Brésil. Chandler est une petite ville canadienne. C'est un contre-exemple de développement local. André Joyal rappelle : " En 1990, 300 emplois sont menacés de disparaître dans cette ville. En 2001, c'est la menace de fermeture de l'entreprise. Les manifestants font pression sur les autorités centrales. Le gouvernement intervient en 2002 et débloque 250 millions de dollars. 18 mois plus tard, le projet est abandonné à cause des surcoûts, les malversations. Et, la crise s'installe de nouveau ". Pour le conférencier, le DLIS (développement local intégré) n'a pas été mis en oeuvre. Cet ensemble de stratégies qui stimulent le capital social à travers des approches faisant appel à l'interrelation entre les réseaux sociaux en vue de rendre les populations locales plus responsables de leur destin, n'a pas marché au Canada contrairement au Brésil. Pirai, petite ville de ce grand pays, de 175 millions d'habitants a connu des difficultés socio-économiques. En 1997, la privatisation d'une usine d'électricité provoque le licenciement de 1200 salariés et 300 autres d'une usine de papier. Le maire crée un comité de développement local autour des acteurs locaux et définit une stratégie de développement. En 4 ans une pépinière de PMI-PME et de coopératives est créée. La création de milliers d'emplois a suivi. L'expérience de gouvernance locale a fonctionné. Le contenu de l'exposé et les expériences présentées par l'expert canadien ont été appréciées par les participants au séminaire. Le président de l'APC de Timizart, estime que les problèmes algériens sont spécifiques et qu'il faudrait d'abord une réelle volonté politique au niveau central pour réaliser un développement local performant. Le débat continue de plus belle.