Djaâfar Bensetti, le célèbre trompettiste ayant officié plus de 25 ans en second couteau dans le groupe de Khaled, est à Oran. Nous l'avons suivi dans plusieurs endroits branchés d'Oran au City, chez Daddy, son frère, et au Loft. Interview itinérante ! C'est le retour de l'enfant prodigue et prodige à Oran... Après toutes ces expériences, voyages et pérégrinations à travers le monde, cela sonne comme un retour aux sources. L'inspiration et l'intuition se décèlent dans le mode de vie des Algériens. Il faut partager avec eux le quotidien tout simplement. J'espère que ma présence, musicalement parlant, sans prétention aucune, apportera une petite touche en matière de sonorités et instrumentaux. Je suis ouvert à toute proposition. Et de surcroît, je retrouve le public algérien qui est connaisseur et c'est grâce à lui qu'on existe. Car le raï, c'est le langage du quotidien. Justement, vous avez enregistré un titre « live » avec cheb Kader... Oui, effectivement, on a enregistré dans un cabaret de la corniche oranaise, Murdjadjo, et sur DAT. Sincèrement, j'ai été surpris. Mais, ensuite, on enregistré dans le studio, la section cuivre. Je m'excuse pour cette méthode de travail. J'aime bien user la bonne manière, le studio. Je ne veux pas donner le mauvais exemple à la nouvelle génération-raï. J'espère que pour Kader et les autres chanteurs, je donnerai le meilleur de moi-même. Vous êtes un enfant terrible de la trompette... C'est le regretté compositeur et pianiste Mohamed Belarbi qui m'a mis le pied à l'étrier. Il avait promis à mon défunt père, sans jeu de mots, de m'insuffler une mélomanie sobre. Il ne m'a appris que des choses positives et mon comportement clean dans le milieu raï. Et puis, j'ai fait mes premières armes au sein du groupe Nejma. On faisait du raï instrumental avec la trompette. Quand on dit Djaâfar Bensetti, on pense immédiatement à Didi, le tube international ayant propulsé le raï... C'est parti d'un délire. Khaled chantait cela lors des séances de balance. A l'origine, c'était N'ti N'ti de cheb Abdelhak. Un jour, aux arènes de Nimes, lors de la Fête des gitans, les Gypsy Kings et Khaled ont fait un bœuf en reprenant Rouhi Ya Wahran et N'ti N'ti. Et, Chico proposera Didi au lieu de N'ti N'ti. Et l'idée de la section cuivre était la mienne. Le souffle caractéristique de Didi, je ne l'ai pas simplement interprété mais composé. Vous voulez dire que vous ne faites pas de la figuration dans le raï... Je ne l'ai jamais été. Mon but premier est que les gens m'écoutent, et non pas me regardent. Je ne suis pas un top model, je suis un musicien. Les grosses chaînes en or ostentatoires (le look dans la culture raï), cela n'est pas le genre de la maison. Les vraies valeurs sont humaines envers sa famille, ses proches... Cela rend généreux dans la vie. 1, 2, 3 Soleil fut aussi une date à marquer d'une pierre blanche... J'étais le seul musicien algérien lors de ce concert unique et mémorable parmi 65 d'origines britannique, écossaise, marocaine, tunisienne... J'étais aux anges. Ce qui était génial, c'est la partition qui était le langage musical et commun entre tous musiciens de différentes nationalités... Sur le titre Ida issu de l'album Diwan de Rachid Taha, vous vous êtes surpassé... C'est du raï roots du pionnier Messaoud Bellemou... Sur la chanson Ida de Rachid Taha, je me suis délecté et éclaté. C'était l'une de mes plus belles prestations scéniques comme celles de Central Park à New York, du Brésil, de Londres, de Tokyo, de Carthage, de Casablanca où le public est fidèle et connaisseur comme celui d'Algérie. Vous êtes le fils spirituel de Messaoud Bellemou... Oui ! Je me produis fréquemment avec Messaoud Bellemou. Nous avons célébré ensemble les 2600 ans de la Cité phocéenne, Marseille, Massilia, et ce, parmi 70 musiciens et autres élèves du conservatoire de cette ville. Et Bellemou, avec son groupe de Témouchent, imprimera sa touche au sein des instruments à vent et autres percussions avec le t'bal, le karkabou et, bien sûr, sa trompette, en côtoyant la grosse caisse, le saxophone, le tuba, le hautbois... C'était une des meilleures prestations de cet événement commémoratif. En 1998, nous avons joué ensemble dans la fanfare de la Coupe du Monde de football. Et avec son fils Mohamed, au synthé, son neveu Miloud à la trompette aussi, nous étions 3 trompettistes, nous avons effectué une tournée en Belgique, Hollande, France... J'ai grandi avec le son de trompette de Bellemou. C'est un personnage d'une grandeur et d'une immense modestie. Djaâfar est un homme orchestre qui a fabriqué sa propre trompette pour avoir un son personnel et plus ample... Oui, effectivement ! J'ai commandé la fabrication d'un trompette sur mesure par un artisan italien de 90 ans et qui est décédé. Cette trompette, c'est mon modèle. C'est une pièce unique en argent, or et pierres. Cela m'a fait mal au cœur de vendre 12 trompettes pour avoir ce précieux instrument. C'est une nouvelle bouche et une nouvelle vision musicale. Tout ce temps passé derrière Khaled, c'était une belle aventure. Maintenant, je me sens libre comme un oiseau. Une nouvelle bouche et une « dentition » pour la trompette... Je suis, ici, en Algérie, pour redresser mes dents de la mâchoire supérieure qui sortaient de plus d'un centimètre. Et j'avais une mauvaise position d'embouchure. Et c'est fait ! Vous vous êtes essayé même au jazz... Oui, j'ai été invité comme soliste sur l'album Top Secret de Marc Moulin aux côtés du grand guitariste Philippe Catherine. En fait, j'adore toutes les musiques du monde, celles d'Oum Kalsoum, Ahmed Wahbi, Blaoui Houari, heavy metal, r'n'b, indienne, gnawi, chaoui, andalou, chaâbi, malouf... Vous préparez un album solo à Oran... Oui, il sortira en début d'été et où figurent Bellemou, Hassan, Kader, et bien d'autres. Il y aura des surprises.