En déplacement, de Londres à Oran, sa ville natale, pour les besoins d'un tournage cinématographique de la chaîne TV britannique BBC sur l'itinéraire de sa vie artistique et l'aventure du raï, nous avons rencontré, mercredi dernier, l'enfant prodigue et terrible d'Eckmuhl, Khaled, le grand chanteur algérien de raï. A la veille d'une promotion d'envergure aux Etats-Unis et dans les pays anglo-saxons, c'est un raïman ayant repris du poil de la bête... de scène. Il est revenu des USA avec dans ses bagages un duo de choc et de chic raï-salsa-electro-latino avec le légendaire guitariste américain Carlos Santana. Entretien. C'est un véritable retour de Khaled, l'enfant prodigue et terrible, à Oran, qui chante avec Blaoui El Houari, El Ghaffour, Maâzouz Bouaâdjaj et en prime un film de la BBC sur votre vie... Oui, la soirée avec Blaoui El Houari, El Ghaffour, Maâzouz Bouaâdjadj et Baroudi Benkheda a été un véritable cadeau pour moi lors de la célébration du 10e anniversaire de la radio locale d'Oran, El Bahia. Il nous ont honorés, il faut leur dire merci. Je respecte et je me bats pour la culture de l'Algérie. Et puis, nous avons un Président qui est artiste, si je puis dire. J'ai vu une image qui m'a marqué à la TV. J'ai vu le Président décorer des acteurs algériens comme Kaci Tizi Ouzou et bien d'autres. Ce Monsieur (le Président), je l'adore. C'est spontané. Un pays sans culture ce n'est pas un pays. Un anniversaire qui tombe à point nommé avec le reportage de la BBC sur votre vie, votre histoire, le raï... Oui, c'est vraiment le mektoub (le destin). Effectivement, des Britanniques de la télévision BBC, ont fait le déplacement depuis Londres - mon nouvel album Ya rayi sort - pour effectuer un reportage sur le raï, mon itinéraire, où je suis né, où j'ai passé ma jeunesse... Il s'agit d'un reportage-cinéma. Les caméras utilisées sont du 16/9e. Ce film a commencé par le tournage du concert que je viens de donner à Londres ainsi que des interviews. Justement, vous êtes lauréat aux BBC World Music Award dans la catégorie World Maghreb et Moyen-Orient... Je ne suis pas au courant. C'est vrai que je suis nominé. C'est le site de la BBC qui l'a annoncé... Je sais que je suis nominé dans la catégorie world Moyen-Orient et Maghreb aux côtés d'un chanteur égyptien, Rachid Taha, et Souad Massi. On constate que vous entamez une nouvelle promotion de votre dernier album Ya Rayi (sorti en septembre 2004) dans les pays anglosaxons et aux USA. C'est une stratégie marketing « world » ? Oui, absolument. Et justement, ce reportage de la BBC entre dans la promotion et autre marketing de l'album Ya Rayi au Royaume-Uni et notamment en Angleterre. Là, c'est un véritable travail sérieux de promotion à Londres pour vraiment toucher le grand public. Et cela, bien que j'y aie fait des tournées et que sois passé sur la BBC pour des prestations live. Là, les Américains ont acheté la licence de l'album - suivi par ma maison de disque -. Ya Rayi va bientôt sortir aux Etats-Unis. Je suis obligé de me rendre aux USA en mars prochain pour la promo. Par opposition, la promotion d'Universal de Ya Rayi, en France, a été franchement bloquée... Il faut savoir que j'ai chez Universal, un contrat-monde. Et je suis sous le label AZ, en France et Universal dans tous les autres pays du monde. Nous avons fait un album, Ya Rayi, j'ai un contrat, j'ai des avocats, je peux faire ce que je veux et eux aussi. Et tout le monde respectent le contrat. Mais quand même, il y a des malins sur terre. On fait du showbusiness. Et dans le contrat il est stipulé qu'eux (Universal) prennent soin de l'artiste et de son image de marque. Et, moi déjà, personnellement, j'ai fait la promo en France et j'envisageais celle de l'Europe. Et puis il y a eu un problème... A la sortie de l'albumYa Rayi, on se s'attendait pas à ce qu'il y ait un probème. L'artiste a eu un problème. Mais eux (Universal) savent qui est derrière et veut nuire et ternir son image. Ils m'ont dit gentiment : « On se défend, on protège l'artiste, on stoppe l'album, pour l'instant. » Après, on m'a encouragé à effectuer mes concerts et ma promo à l'étranger. La sortie aux USA de Ya Rayi comporte une autre version remix... J'ai séjourné aux USA, à cet effet. L'album Ya Rayi renferme beaucoup de « surprises ». Car j'y ai fait un autre remix avec une autre pochette du disque. La sortie américaine obeit à une autre écoutée autre que celle européenne. Par exemple... J'ai inséré le groove à l'américaine. C'est les mêmes titres. L'habillage est renforcé et recherché. Vous avez aussi rajouté un duo lectro avec le grand guitariste Santana... Oui, c'est vrai. J'ai fait un duo avec Santana. Mais je ne peux en dire plus. On a donné l'exclusivité à un magazine américain Rolling Stone... Merci ! La promo a déjà commencé ! (rires). Moi et Santana ont se connait depuis quelque temps c'est devenu mon pote. Mais encore... J'ai été invité à la soirée des nominés des grammys awards ; cela m'a fait plaisir. J'étais avec Kessy Paul, le producteur de Santana qui est devenu mon ami, car on a déjà travaillé ensemble avec Quincy Jones sur le projet caritatif We Are The Future. J'ai réalisé un rêve. J'ai rencontré Mel Gibsdon, Stevie Wonder - je l'ai attrapé par la main -, les membres du fameux groupe disco Earth Wind and Fire. Cela m'a ému qu'ils me disent bonjour et qu'ils soient contents de renconter un chanteur algérien de raï. Ce sont des gens simples. Une belle leçon de modestie tous stars qu'ils sont. Ils sont humains tout simplement. Dans l'album Ya Rayi, qui est un retour aux sources, figure un duo avec la légende vivante du wahrani Blaoui El Houari... Blaoui, c'est le « papa » d'Oran. C'est le « pape » d'Oran. Pour moi, c'est la chance de voir et de revoir Blaoui et qu'il m'adresse la parole. C'est un rêve de chaque Oranais. Vous savez, j'étais petit et je suivais la fête d'un mariage, où Blaoui chantait, en étant dehors. Mais je l'écoutais avec bonheur. J'ai grandi avec la « machiakha » (droit d'aînesse des chioukh). J'ai étudié le code de la vie...artistique, la « machiakha » ainsi que celui des guendouz (les élèves). C'est pour montrer, à travers Blaoui, à cette nouvelle génération d'artistes, que j'ai toujours respecté le cheikh (le maître). Les gens disent que je suis le roi du raï. Je leur réponds : non ! Ils y en a d'autres qui étaient avant moi et de ma génération comme cheb Fethi, Allah Yerhmou (que Dieu ait son âme). Cheb Fethi me tue. Il chantait mieux que moi le raï. Par exemple, Benchenet, il chante bien le wahrani. Je respecte ces gens. El Badji aussi quand il chante Bahr Ettouffane et sa voix rauque me tue... Khaled, vous vous êtes essayé au style chaâbi en reprenant un standard mythique du grand maître El Hadj M'hamed El Anka El H'mam. Un autre hommage... Je connais le chaâbi, quand même. Les Algérois croient que les Oranais ne connaissent pas le chaâbi. Le chaâbi, il est de chez-nous aussi, de Mostaganem. Il y a Maâzouz Bouaâdjaj. On a notre manière de chanter le chaâbi et le vrai chaâbi, du pionnier El Anka et de son école. Je suis Algérien et j'ai grandi avec cette culture. Et en plus, pour chanter L'hmam, mon Dieu, j'étais mal dans ma peau pendant six mois. J'appréhendais la réaction. Mais j'ai respecté ce legs, et cet héritage du patrimoine musical algérien est d'une grandeur... Le titre Laman est une fraîche interpétation et un phrasé raï marocain... Oui, absolument. Laman, mélodiquement, je l'ai faite plus oranais et plus marocain. Je suis Maghébin. Je suis aimé par les Algériens, les Tunisiens, les Marocains... Et El Ghira, Ya Galbi... Un retour aux sources... Cela c'est raï roots. Je voulais rendre hommage à Boutaïba Seghir, (pionnier du raï moderne). Boutaïba Seghir, Benfissa, Bellemou et Bouteldja Belkacem m'ont inspiré. Je fais ce qu'il m'ont donné. J'ai appris le style de Boutaïba. Boutaïba, c'est lui le king. C'est lui le roi du raï. Je parle là, très sérieusement. Je suis son fan depuis l'époque du night-club Le Biaritz, à Oran, puis à Bordj El Kiffan, à Alger et puis actuellement en France. Boutaïba, vous a même écrit une chanson... Oui, Boutaïba m'a écrit une chanson quand je suis retouné en Algérie. Quand j'ai chanté à la salle Harcha, à Alger, en 2000, j'avais sa chanson. Je lui avais demandé de m'écrire une chanson sur le retour (au bled), après une longue absence. C'est une belle chanson, mais je ne l'ai pas interprétée parce que je n'étais pas prêt et elle n'était pas rôdée. C'est yana yana fel ghourba (je suis exilé). Et un duo, ici, à Oran... Oui. Pour moi, Boutaïba, Bellemou et Bouteldja sont les routards et crooners du raï. Je voulais que Boutaïba monte sur scène avec moi et qu'une caméra le « chope ». Et c'est la même chose avec Blaoui. Et ce n'est pas calculé. J'ai envie de partager ce plaisir avec eux. Khaled, comment te vois-tu à 70 ans. Eternel raâman ou crooner, wahrani comme Ahmed Wahbi et Blaoui Houari ? J'ai pleins de choses en tête. Mais je ne sais pas si j'arriverais à cet âge. Honnêtement, si j'arrive à cet âge, je pense que tu me feras une interview et je serai toujours le même. Comme tu vois. Je serai toujours le gamin qui a 10 ans ou 15 ans et qui sait d'où il vient, ce qu'il a passé. Ces images me réveillent. Je ne joue pas à la superstar. Je ne me la joue pas. Comment voyez-vous le raï actuel ? J'espère qu'il y aura une relève inchallah qui fera lamême chose que moi. Je souhaite au raï une longue vie. On veut s'améliorer et que l'ONDA soit correct. Et votre projet caritatif avec Quincy Jones We Are The Future... Justement, je dois me rendre dans une dizaine de jours aux USA pour assister à la cérémonie des Grammy Awards. Et on veut que j'enregistre le titre We are The Future et la chanter lors de cette soirée. Quand on est chanteur on célèbre la vie, l'amour, les choses de la vie et la paix. Je ne fais pas de politique, mais je fais de la musique. Khaled /Ya Rayi 1CD Wrasse Records / Universal AZ