Les sénateurs français ont voté, jeudi, la proposition de loi formulée par le Parti socialiste, consistant à considérer le 19 Mars comme Journée nationale du souvenir des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie. La droite et les harkis crient à la trahison. Paris. De notre correspondant Le Sénat français a adopté, jeudi, une loi consacrant le 19 mars 1962 Journée nationale du souvenir en mémoire aux victimes françaises civiles et militaires mortes durant la guerre d'Algérie. 188 sénateurs ont voté pour et 155 contre la loi, en majorité des membres du parti de l'Union pour la majorité populaire (UMP) (opposition). Selon Alain Néri, rapporteur de la proposition et sénateur socialiste, la loi du 19 Mars rend hommage à deux millions de militaires français envoyés sur le front algérien entre 1954 et 1962. D'autres de ses collègues, à l'image d'André Vallini, sénateur socialiste également, ont estimé que cette loi va au-delà et rend un hommage global à toutes les victimes militaires et civiles de la guerre d'Algérie, y compris les harkis. Dans une déclaration à France Inter, il a estimé que le 19 mars 1962, c'est d'abord la fin des hostilités entre l'Algérie et la France, le jour où des Algériens et des Français ont décidé de déposer les armes et d'entamer des discussions politiques. En revanche, pour les sénateurs de l'UMP, choisir le 19 mars comme jour de souvenir revenait tout simplement à occulter les assassinats dont furent victimes plusieurs milliers d'Européens et de harkis après le cessez-le-feu. Le même parti a dénoncé l'instrumentalisation de l'histoire par le Parti socialiste à des fins partisanes, et ce, à quelques jours seulement de la visite que doit effectuer le président François Hollande en Algérie. Fidèle à ses positions anti-algériennes, Gérard Longuet, sénateur UMP, a estimé, pour sa part, que le 19 mars correspond surtout au jour où l'armée française a abandonné des milliers de harkis qui se sont fait tuer par le FLN. «Le choix du 19 mars est une mauvaise idée. Je comprends que cette date signifie pour les contingents le retour chez eux en France et pour les jeunes la certitude de ne plus aller combattre en Algérie. Mais pour tous les autres, c'est-à-dire les Français d'Algérie et les harkis, c'est le jour où ils ont cessé d'être protégés par l'armée française», a indiqué M. Longuet qui a ajouté que «le 19 mars n'est pas une date qui fédère tous les Français». Responsabilité dans les massacres des harkis Même son de cloche dans la communauté harkie. Pour Rabah Bensaïd, président de l'association Projet-avenir-harki, dont le siège se trouve à Montpellier (sud-est de la France), la date du 19 mars ne veut rien dire pour les anciens supplétifs de l'armée française pour la simple raison que tout le monde sait qu'il y a eu des massacres de harkis et de pieds-noirs après les Accords d'Evian, a-t-il indiqué par téléphone à El Watan. Et d'ajouter : «La France doit d'abord reconnaître l'existence de ces massacres et indemniser ensuite les victimes.» Il a accusé, par ailleurs, François Hollande de sacrifier les harkis et leurs enfants sur l'autel des intérêts économiques et de la relation d'exception qu'il souhaite construire avec l'Algérie. Pour rappel, c'est Jacques Chirac qui avait choisi le 5 décembre comme journée d'hommage consacrée aux seuls morts pendant la guerre d'Algérie. Il a institué cette journée en 2003, à l'occasion de l'inauguration, au quai Branly à Paris, du mémorial dédié aux 24 000 militaires français tués pendant la guerre d'Algérie. Cette date semble désormais abandonnée. Comme quoi chaque parti fait sa propre lecture de l'histoire.