Comme chaque année, des tonnes de pétards entrent en Algérie par des voies illégales. Tout le monde le sait, à commencer par les enfants et les petits revendeurs, tout le monde en profite, à commencer par les importateurs et les douaniers. Bien sûr, comme chaque année, on arrête pour la forme un ou deux importateurs et on saisit quelques containers qui, pour une partie d'entre eux, se retrouvent entre les mains des enfants de douaniers, trop heureux d'avoir le dernier cri des produits pyrotechniques gratuitement. Et comme chaque année, les bébés, les cardiaques et les chiots souffrent pendant une quinzaine de jours des éclatements imprévisibles jusqu'à l'adaptation totale des oreilles. Faut-il interdire les pétards ? Non. Simplement parce que la fête du Mouloud est la seule fête un peu vivante, par opposition à toutes les autres, aussi tristes qu'une vieille femme sans enfants, où la seule activité consiste à manger de la rechta ou profiter de la journée de congé payé pour aller boire quinze cafés au café du coin. Si pour un père de famille modèle, il semble assez absurde de convertir ainsi autant d'argent dans du bruit et de la fumée, il reste que le Mouloud sort un peu les Algériens de leur léthargie en les faisant sursauter toutes les trois minutes, ce qu'ils ne font ni pour une bombe terroriste, ni pour une loi antisociale, ni encore pour le bradage des ressources pétrolières. C'est pour ces raisons que légaliser l'importation des pétards est une bonne idée puisque, de toute façon, ils entrent et font profiter une caste de privilégiés. Tout comme la convertibilité du dinar est aussi une bonne idée puisque sa non-convertibilité permet à quelques privilégiés des cercles économiques privés de bénéficier d'un taux de change officiel. Le réalisme économique dicterait ce slogan : les Chinois sont là, vive les pétards, les Européens sont là aussi, vive l'euro.