L'exploitation des hydrocarbures non conventionnels a bouleversé le marché. Au-delà du gaz, le développement des pétroles de schiste change la donne sur les marchés pétroliers. L'Agence internationale de l'énergie prévoit même une augmentation continue de la production pétrolière américaine sous l'effet de l'exploitation des hydrocarbures de schiste à tel escient que celle-ci dépasserait la production saoudienne à moyen terme. Au-delà de la hausse en volume de cette production, la qualité des pétroles produits depuis 15 ans aux Etats-Unis a impacté l'appétit de ceux-ci pour les pétroles légers. Selon des traders interrogés par l'agence britannique Reuters, les barils de production américaine sont tout aussi légers et à faible teneur en soufre. La demande de l'oncle Sam sur les barils en provenance de producteurs comme l'Algérie ou encore le Nigeria en souffre d'ailleurs. Cependant, le fait le plus inquiétant est que cette situation risque d'engendrer un sur-approvisionnement du marché en pétroles légers, qui risquent d'être produits en abondance, poussant les producteurs à se bousculer vers des marchés alternatifs en Asie. Au-delà des Etats-Unis, les excédents pourraient toucher aussi le marché méditerranéen, selon les traders. Des excédents qui ne seront forcément pas nourris par le boom des hydrocarbures de schiste comme c'est le cas aux Etats-Unis. Ceux-ci seront surtout alimentés par la multiplication des fournisseurs de pétrole hors OPEP sur le marché. Il s'agit, d'après Reuters, des producteurs de la Caspienne comme le Kazakhstan qui compte porter sa production à 800 000 barils par jour dès l'année prochaine et à 1,3 million de barils jour dans les prochaines années. Selon les estimations du marché, les volumes supplémentaires de pétrole qui pourraient arriver sur le marché européen et méditerranéen dès l'année prochaine atteindraient 1 million de barils/jour. Avec l'accélération de l'exploitation du schiste sur le continent nord-américain, les fournisseurs traditionnels comme l'Algérie auront pour seul marché alternatif, l'Asie. Cependant, les pays asiatiques comme la Chine ne sont pas pour autant acquis. La surabondance de l'offre en brut léger sur le marché méditerranéen risque aussi d'être aggravée par les stratégies d'investissement en aval, empruntées par les raffineurs depuis quelques années. Ceux-ci ont, en effet, tous cru à l'augmentation de l'offre de pétroles lourds au détriment des bruts légers. Elles ont donc adapté leurs équipements aux pétroles lourds. Une situation qui risque de refroidir l'appétit des raffineurs européens pour les pétroles légers, en provenance d'Algérie et du Nigeria. Ian Taylor, patron de Vitol, plus grand négociant en pétrole, a d'ailleurs déclaré la semaine dernière à la conférence Oil&Money de Londres que les nouvelles tendances ne sont pas bonnes. On dira bien entendu qu'il y a le marché asiatique. Or, l'évolution de la demande sur celui-ci, même si elle présente des perspectives intéressantes, a des limites. La situation dessert les producteurs de pétrole légers qui pourraient voir leurs revenus chuter dans les toutes prochaines années. Selon les sources du marché, la Libye a déjà été contrainte de reporter les négociations sur les prix et volumes de brut livrables l'année prochaine. Ian Taylor pense, quant à lui, que personne ne sait qui sera preneur du pétrole léger nigérian, dans 4 années. L'Algérie pourrait ne pas y échapper. La surabondance de l'offre sur le marché méditerranéen a déjà eu pour effet, au début de l'été dernier, de baisser la prime sur les prix dont bénéficie le Sahara Blend (pétrole algérien) sur le brent de mer du Nord.