L'évolution des prix du pétrole sur les vingt dernières années n'a rien de spectaculaire ; hormis une envolée remarquable qui a commencé en 2003, le pétrole n'a jamais retrouvé ses niveaux de prix antérieurs, réalisés dans les années soixante-dix. En valeur absolue, les cours du brut actuels ne sont pas aussi importants que certains le pensent. La tendance des prix reste chahutée par des aléas, des conjonctures défavorables aux marchés de pétrole, la fluctuation est parfois inquiétante ; le pétrole peut perdre vingt pour cent de sa valeur en si peu de temps. Une somme de facteurs, conjugués ou pris séparément, influent sur les courbes des prix. Les fondamentaux du marché ont cependant complètement changé ; de nouvelles donnes entrent en jeu : la demande chinoise et la parité dollar/euro n'existaient pas dans les années soixante-dix. Aujourd'hui, l'impact de la demande chinoise est quantifié, analysé, mis en relief par les spécialistes, les médias. C'est un autre grand facteur d'incertitude pour le marché du pétrole. Il ne peut être stable. Exemple : en octobre dernier, les importations chinoises de brut se sont effondrées, illustrant le faible appétit des raffineurs chinois à certains niveaux des prix, alors que leur rentabilité est progressivement réduite à mesure que les cours du brut dépassent les quatre-vingts dollars, font savoir les observateurs. Au-delà de ce seuil, les prix des produits pétroliers augmentent moins rapidement que les cours du brut, de sorte que les profits des raffineurs sont maximisés lorsque les cours atteignent quatre-vingts dollars. Certains médias ont rapporté qu'en Chine, et malgré cette baisse des importations de brut, les volumes raffinés ont atteint en octobre un nouveau record, la hausse étant alimentée à la fois par la forte et traditionnelle circulation automobile du mois d'octobre (concentrée sur les congés nationaux du début du mois) et du niveau élevé de la demande de diesel provoquée par le basculement de l'électricité aux générateurs diesel des entreprises affectées par les mesures visant à atteindre les objectifs d'intensité énergétique. Ce phénomène a même produit des effets en dehors des frontières chinoises, aux Etats-Unis. Il explique, en partie, la baisse récente des stocks de mazout léger observée aux États-Unis, quoique que les chiffres du DOE américain ne permettent pas de l'affirmer avec certitude. La forte demande de diesel devrait se maintenir jusqu'à fin décembre, ce qui pourrait impacter les exportations asiatiques de mazout léger et se traduire par une nouvelle baisse des stocks au cours des prochaines semaines, qui continuera à profiter aux cracks spreads sur le fuel domestique. La forte baisse de la demande américaine de mazout léger est toutefois surprenante et pourrait, si elle se confirmait, contribuer à compenser la hausse de la demande chinoise, écrivent les spécialistes. Gros consommateurs de brut, les Etats-Unis ne sont pas sans influence sur les prix de l'or noir. Au cours des dernières semaines, il a été indiqué que les cours du pétrole devraient refluer vers les quatre-vingts dollars le baril, suggérant que le mouvement d'euphorie lié à la décision de la Fed de renouer avec la détente quantitative masquait une situation fondamentale moins rose. Alors que la correction est désormais largement en place. Aussi, certains se demandent si les cours vont rester ancrés aux alentours des quatre-vingts dollars, comme ils l'ont été pendant l'essentiel de l'année ou s'ils peuvent baisser en deçà. Autre crainte en relation avec cette tendance fluctuante, une surchauffe apparaissant dans les pays en développement pourrait se trouver aggravée si les États-Unis tentaient de faire croître leur économie à un rythme plus rapide que l'économie mondiale ne peut le supporter. L'Inde, qui a procédé à des relèvements de taux pendant l'essentiel de l'année, a été récemment rejointe par la Corée du Sud et la Chine où l'inflation a dépassé les quatre pour cent, indique-t-on. Et, au vu du comportement des raffineurs chinois, qui importent du pétrole lorsque les coûts sont inférieurs ou égaux à quatre-vingts dollars le baril et réduisent leurs importations lorsque les cours dépassent ce seuil, comme expliqué plus haut, certains pensent que de nombreux facteurs contribuent aumaintien des cours à quatre-vingts dollars, ou légèrement en dessous de ce seuil. Un tel niveau est également cohérent avec les règles de fixation des prix des produits pétroliers chinois, les marges de raffinage étant au maximum lorsque les cours se situent aux environs de quatre-vingts dollars, et se réduisant fortement lorsque les cours excèdent largement ce seuil. Le danger pour le marché du pétrole pourrait provenir d'une détérioration de la demande mondiale liée à un ralentissement de la croissance des pays en développement. Néanmoins, un tel risque ne se matérialiserait pas avant un certain temps et ne devrait donc pas affecter les cours du pétrole dans l'immédiat. Et il n'est pas exclu qu'il se produise dans trois à six mois. Vendredi dernier, les prix du pétrole se repliaient à l'ouverture à New York, dans un marché affecté par une hausse des taux en Chine. Comme attendu, la Chine a augmenté ses taux. On aurait pu voir une réaction (des prix du brut) plus marquée à la baisse, mais celle-ci avait déjà eu lieu vendredi dernier quand les Chinois ont commencé à indiquer qu'ils allaient le faire, explique Phil Flynn, de PFG Best Research, cité par l'Afp. La Banque centrale chinoise a annoncé officiellement une nouvelle hausse de cinquante points de base, à dix-huit pour cent du taux de réserves obligatoires des banques, afin de lutter contre l'inflation. Les velléités de la Chine de ralentir son économie font craindre pour la croissance de la demande en pétrole, dont le géant asiatique est l'un des principaux moteurs. Les investisseurs étaient toutefois préparés à une telle annonce. Il y a une semaine, les prix avaient commencé à chuter sur fond de spéculations de relèvement des taux en Chine, abandonnant plus de sept dollars en quatre séances. C'est l'un des deux problèmes sur lesquels les investisseurs concentraient leur attention depuis plusieurs jours, a souligné Phil Flynn, avec celui de la dette en Irlande. Y. S.