De la longue nuit coloniale, une brève «éclaircie d'indépendance» baigna sur tout le pays et la joie du peuple fut de courte durée. 50 années après l'indépendance, où en sommes-nous ? Une Algérie qui refuse sa liberté et son indépendance. Une Algérie qui s'inscrit en opposition des principes mêmes de cette indépendance. Une Algérie qui s'est recroquevillée sur elle-même, telle une tortue qui se tapit dans sa carapace. «La Mecque des révolutionnaires», la patrie de Abane Ramdane, de Larbi Ben M'hidi et de tous les martyrs qui se sont sacrifiés pour une Algérie libre, démocratique et populaire, s'est convertie en une Mecque d'imposteurs, de renégats et de la mafia de tous bords. L'Algérie de Jugurtha, de Massinissa, de K. Yacine, de A. Alloula, de T. Djaout, de M. Lounès, de Hasni… est profondément malade de ces trahisons successives qu'elle ne cesse de subir et de vomir à longueur d'année. Toutes les saloperies et les conneries accumulées à ce jour n'arrêtent pas de monter en surface, tels des margouillis sur des eaux troubles, jusqu'à déborder sur l'ensemble du pays. Voilà le legs d'un système politique qui refuse de faire sa mue et qui tout au long des décennies de règne d'un autre âge s'obstine à maintenir le même cap au-devant des tempêtes qui s'annoncent. Culture d'apparat. Beaucoup de festivals et de spectacles, la parade est bien trouvée pour dissimuler le marasme auquel est confronté le monde de la culture et les nombreux obstacles érigés par l'administration pour l'exercice de notre profession. Qu'advient-il du dossier cinéma ? Que de promesses et d'engagements (du gouvernement précédent) pour réhabiliter ce secteur. A ce jour, rien à l'horizon, même les projets de films sur le cinquantenaire (initié par le président Bouteflika en 2010) ne semblent plus être à l'ordre du jour. Un nouveau gouvernement, un plan d'action multisectoriel (et encore), mais rien sur le secteur de la culture, pas un mot. C'est quand même très surprenant de la part d'un nouveau gouvernement qui veut aller de l'avant. Que faut-il comprendre par là ? Mépris ou omission ? Ou bien faut-il comprendre que ce n'est pas une priorité ? Cette dernière supposition est la plus plausible. Effectivement, la culture dans notre pays a toujours été reléguée au second plan, voire le dernier des soucis de nos dirigeants, et cette tendance s'avère toujours être de mise. Continuer à faire l'impasse sur un secteur aussi sensible, c'est contester à la société de s'affirmer et de se former en tant que conscience socioculturelle et identitaire. C'est aussi lui dénier le droit de se réapproprier son patrimoine historique et mémoriel lointain et contemporain. Cette occultation n'est pas le fruit d'une conjoncture, elle répond à la même vision politique du système et de sa logique à vouloir maintenir la société que sous l'angle économique avec des arrière-pensées : la protection de la rente et de tous les circuits qui l'alimentent. Le plan d'action de M. Sellal s'inscrit indirectement sur cette ligne et il n'offre malheureusement aucune perspective de développement réel, il est l'émanation du même état d'esprit d'une politique qui a déjà fait ses preuves, et ce n'est pas avec le peu de social qu'il promet que la donne va changer, ce n'est pas non plus la multiplication des festivals et des spectacles qui vont faire croire que la production culturelle existe et qu'elle se porte bien. Faut-il rappeler à nos dirigeants que les nations développées ne se sont épanouies que grâce à leur culture ? L'exemple du Japon et de l'Allemagne est à méditer. Entièrement rasés durant la Seconde Guerre mondiale, aujourd'hui ils sont un modèle de développement. Sans parler des Etats-Unis d'Amérique... Pour agrandir leur prestige et leur influence à travers le monde, ils ont fait de l'industrie cinématographique leur principal cheval de bataille. Aujourd'hui, leurs productions inondent le monde entier et ils en sont la plus grande puissance. Culture et civilisation vont de pair, et ignorer ce principe fondamental c'est non seulement hypothéquer l'avenir du pays, mais aussi l'exposer à tous les risques, surtout en période de troubles. Pour en revenir au dossier cinéma, pourquoi toute cette attente et ce silence de la part de la tutelle ? Ne sommes-nous pas en droit de savoir en tant que premiers concernés ? Cette situation de flou qui perdure (entretenue ou pas) n'inspire pas du tout à l'optimisme d'une volonté réelle de prendre en charge les problèmes de la production nationale, toujours confinée au stade artisanal et du bricolage. On ne peut prétendre avoir un cinéma national alors qu'il n'existe même pas un organisme officiel chargé de la cinématographie, à l'exemple de l'ex-ONCIC(1), ni non plus le minimum d'infrastructures : laboratoires(2), studios, post-productions, salles de cinéma, instituts de formation... Contrairement aux satisfecit des officiels et de leurs sponsors, on ne produit que très peu de films et encore dans des conditions les plus aléatoires, voire extrêmement limitées, que ce soit sur le plan financier ou en moyens humains et matériels. Là, je ne parle que de productions qui ne bénéficient pas des avantages alloués à certaines productions plus privilégiées, clientélisme et favoritisme obligent. Quant aux projets de films sur le cinquantenaire, il semble que la commission de validation a déjà bouclé ses travaux depuis plusieurs mois et qu'une liste des productions retenues a été diffusée sur le site (Internet) du ministère de la Culture sans le moindre commentaire quant à leur faisabilité. On dirait une liste des candidats à la sixième, là au moins ils sont orientés. Là-dessus, on ne comprend pas le pourquoi de tout ce retard et de toute cette perte de temps pour accorder les moyens financiers nécessaires à ces productions pour qu'elles entament d'ores et déjà les préparatifs de tournage qui exigent de longs mois de préparation. Dans ce cas, pourquoi alors cette précipitation et cette pression exercées à l'encontre des réalisateurs et producteurs pour qu'ils soumettent leurs projets dans les délais (très courts) qui leur étaient impartis. Autre chose qui relève de la commission elle-même, à laquelle il est reproché d'avoir enfreint les règles intérieures en faisant bénéficier deux de ses membres aux projets. C'est un précédent très grave qu'on ne peut taire, car il s'agit-là d'un abus de prérogatives et de passe-droit. Par cet acte irresponsable, le doute est maintenant posé quant à la crédibilité et la probité de cette commission par rapport aux travaux qu'elle a menés, juge et parti pris, c'est quand même troublant, non ? Et à celles et ceux dont le script (scénario) a été rejeté, ont-ils droit à un recours ? Autant de questions sans réponses que le ministère de la Culture est censé être le premier à clarifier au moment opportun, mais comme les convenances en matière de communication ne sont pas respectées chez nos officiels, on risque d'attendre longtemps encore, juste pour savoir. Notes de renvoi : 1)- Le seul centre existant dont les prérogatives qui ne sont pas clairement définies, c'est le CNCA (Centre national de la cinématographie et de l'audiovisuel) ; d'ailleurs, on se demande à quoi il sert exactement. 2)- Le laboratoire existe au niveau de l'ex-ENPA (Entreprise nationale de production), fermé depuis plus d'une quinzaine d'années et il nécessite une rénovation globale.