Restitution «C?est le citoyen qui fait le cinéma», a déclaré le premier responsable du CNC. La situation du cinéma institutionnel algérien a été le sujet de la conférence animée hier au centre de presse d?El Moudjahid par Ahmed Bedjaoui, professeur à l?Institut des sciences politiques et chargé de la mise en place du Centre du cinéma et de l?audiovisuel (CNC). Le conférencier a d?emblée rendu un hommage à Mohamed Abderahmani et Ahmed Bouchadi, les pionniers du journal El Moudjahid qui ont ?uvré pour que naisse la critique cinématographique algérienne. «C?étaient de fervents défenseurs du cinéma algérien», dira-t-il avant d?enchaîner sur la situation du cinéma en Algérie. «L?art des Lumières», affirmera Bedjaoui, est l?un des indicateurs de la culture d?un pays et «si celui-ci ne défend pas cet art, il sombrera dans les ténèbres.» Subtil jeu de mots pour indiquer le rôle du 7e art dans une société : informer, éduquer et divertir. En outre, M. Bedjaoui se prononcera en tant qu?enseignant universitaire du cinéma, se disant tout à fait confiant quant à l?avenir de l?audiovisuel par rapport aux techniques nouvelles, notamment le DVD. Il se dira également satisfait de la nouvelle génération qui, selon lui, possède une bonne culture cinématographique ainsi que des potentialités appréciables dans ce domaine. Cependant, l?enseignant ne cachera pas sa déception face aux statistiques faisant ressortir le nombre de salles de cinéma encore fonctionnelles. Se penchant sur la question, Ahmed Bedjaoui constate que durant les années 1960, soit après l?indépendance, l?Algérie possédait 462 salles de cinéma, 40 ans après, que reste-t-il ? Hormis quelques-unes, elles ont toutes été déviées de leur vocation ou ont été carrément détruites. Mauvaise gestion ou désintérêt du consommateur ? L?animateur rappellera que jusqu?aux années 1970, 80 millions de spectateurs fréquentaient ces salles. Un pourcentage du prix du billet était exonéré de la fiscalité, ce qui permettait non seulement de maintenir l?état du cinéma, mais aussi de l?alimenter. «Tout cela pour dire que le cinéma, c?est le citoyen qui le fait», conclura-t-il. Se penchant sur la consommation des services cinématographiques, M. Bedjaoui fera savoir que le consommateur d?aujourd?hui a changé ses habitudes, dans ce sens que durant les années 1970, années florissantes du cinéma algérien, le consommateur allait en ces lieux avec ses amis, aujourd?hui c?est en famille qu?il y va, ce qui nécessite un autre type de service. En outre, la gent masculine a tendance à préférer les espaces privés, entendant par là le domicile où la production cinématographique est suivie à travers la télé, contrairement aux femmes qui ont tendance à investir les espaces publics, donc sont plus attirées par les salles de cinéma, ce qui nécessite un aménagement de ces salles et la construction d?autres. Revenant sur sa mission de premier responsable stratégique du CNC, institution qui a été annoncée depuis quelques années et qui a suscité tant d?espoirs auprès des professionnels du cinéma, puisque celle-ci devrait permettre une relance effective de la production cinématographique, l?animateur ne cachera pas le côté ardu de cette tâche, notamment après la dissolution, en 1998, du Centre algérien de l?industrie cinématographique (Caaic) déficitaire de plus de 60 millions de dinars, de l?Entreprise nationale de la production audiovisuelle (Enpa), et notamment de l?Agence nationale de l?actualité filmée (Anaf) qui constitue, selon Bedjaoui, «la mémoire collective». Le conférencier se dira néanmoins optimiste quant à cette mission, car, fera-t-il remarquer, en dépit de cette difficulté, la production cinématographique s?est certes amoindrie considérablement, mais ne s?est pas arrêtée, comme c?est le cas dans les autres pays maghrébins. En 2003, notera-t-il, 8 films algériens ont été produits. Et afin de booster cette production, il évoquera un projet qui devra débuter à partir de l?année prochaine. Celui-ci s?échelonnera sur 5 ans, et avec l?aide du ministère des Finances, réaménagera 20 salles par an sur tout le territoire national. Par ailleurs, Bedjaoui fera également savoir qu?il a été mis au point avec l?Ansej, un accord pour former des jeunes qui géreront ces salles une fois mises sur pied afin qu?elles ne soient plus détournées de leur fonction. Revenant sur l?épineuse question des laboratoires cinématographiques que l?armée nationale a cédés durant les années 1990 à l?Enpa et qui, depuis la dissolution de celle-ci, restent à l?arrêt et concédés par les Domaines à l?Entv, M. Bedjaoui dira la nécessité pour le CNC de se les réapproprier afin de permettre à la production cinématographique nationale de se faire en Algérie.