Reconduit dans la mission pour le développement des relations économiques entre l'Algérie et la France, Jean-Pierre Raffarin sera en visite à Alger à partir de demain. Renault, Total, Alstom, le vice-président du Sénat français fait le point sur les dossiers économiques bilatéraux, à quelques semaines de l'arrivée du président français François Hollande. - Laurent Fabius a déclaré vouloir développer la «diplomatie économique». Considérez-vous votre rôle plutôt politique ou plutôt économique ?
En accord avec les autorités algériennes, la mission que m'avait confiée l'ancien président Nicolas Sarkozy a été prolongée d'une année par le président François Hollande. Il s'agit d'une mission visant à renforcer les relations économiques bilatérales en traitant spécifiquement d'un petit nombre de dossiers économiques, dans un laps de temps donné. Mon rôle est donc de bien comprendre les points de vue en présence afin de dégager des solutions qui soient profitables à tous. La feuille de route du président français est claire. Je connais aussi les priorités du gouvernement algérien qui sont de diversifier les activités économiques ainsi que les produits à l'exportation, encore trop dominés par les hydrocarbures, de créer des emplois, notamment pour les jeunes, et des richesses durables à répartir sur l'ensemble du pays. Je pense que le renforcement de la coopération économique bilatérale tant par l'implication des grandes entreprises que pour celle, primordiale, des PME et des entreprises de taille intermédiaire contribue à la réalisation de ces objectifs que nous ne pouvons qu'approuver. Est-ce de l'économie ou de la politique ? En tout cas, ma tâche est de faire avancer des dossiers dans l'intérêt mutuel, base du succès et de la durée. - En 2011, vous parliez d'une «douzaine de partenariats lourds» entre la France et l'Algérie. Lesquels sont déjà véritablement effectifs depuis l'an dernier...
Effectivement, sur la douzaine de dossiers qui constituaient la base de travail de ma précédente mission, un bon nombre ont pu trouver une issue favorable en établissant un partenariat fort. Parmi ces dossiers, certains peuvent avoir un effet important sur le tissu économique en le fortifiant et en le diversifiant. Ainsi la filière lait avec ses partenariats décentralisés entre la région Bretagne et de nombreuses exploitations agricoles algériennes, la verrerie à Oran avec Saint-Gobain, l'assemblage et la maintenance des tramways avec Alstom, une seconde unité de production pharmaceutique avec Sanofi. Sans oublier naturellement, l'achèvement de la première ligne de métro d'Alger, qui a permis, depuis novembre 2011, aux Algérois de disposer d'un moyen de transport qui améliore leurs conditions de vie quotidienne. - Voilà un an que les Français et les Algériens disent que le projet Renault avance bien. Mais il ne se passe rien. Il semblerait même que Renault se montre plus réticent à l'idée de s'installer en Algérie...
On ne peut pas dire qu'il ne se passe rien. C'est un projet ambitieux – créer une filière automobile, – complexe – techniquement et économiquement –, qui a enregistré des avancées significatives pour une concrétisation dans les délais maintenant rapprochés. Un mémorandum a été signé en mai dernier qui marque bien les progrès des négociations. Depuis, les discussions se sont poursuivies de manière constructive. La volonté d'aboutir existe de part et d'autre et je suis confiant dans la suite. Ce projet, par ses multiples retombées sociales comme économiques, peut être une illustration de ce que nous pouvons faire ensemble pour le bénéfice de nos deux pays. - Même chose pour l'usine de vapocraquage de Total. Comment expliquez-vous que ces projets prennent autant de temps pour se concrétiser ?
Il faut bien voir qu'il s'agit de projets particulièrement lourds. Pour le vapocraquage il faut d'abord bien établir les conditions physiques, géologiques de la ressource en éthane, la localisation de l'extraction de l'éthane... Il faut aussi se mettre d'accord sur les paramètres économiques. Tout cela exige des études, des discussions. Il s'agit d'investissements d'une ampleur majeure (près de 5 milliards de dollars, ndlr), créateurs de nombreux emplois qualifiés pour lesquels il faudra recruter et former les compétences, qui auront une durée de vie de plusieurs dizaines d'années. Là aussi, nous pouvons être confiants dans la volonté des parties en présence de mener à bon terme, dès que possible, les négociations, maintenant que les études techniques et économiques ont bien avancé. - Arnaud Montebourg, lors de sa visite, a parlé de «pacte de coproduction». Quelles formes ce pacte pourrait-il prendre ?
Comme je viens de l'indiquer, il faut que ces projets soient riches de retombées positives pour l'Algérie et la France. Les besoins des deux pays en création d'emplois qualifiés, en richesses à partager, en montée en gamme des productions avec l'intégration continue dans les filières industrielles sont de même nature. Il faut que ce partenariat soit gagnant/gagnant et non un jeu à somme nulle. Nous avons tout intérêt à nous unir dans des alliances industrielles qui vont permettre de produire plus, mieux et de gagner ensemble des parts de marché. Le «pacte de coproduction», évoqué par Arnaud Montebourg, répond à cette volonté. La filière automobile peut être un bon exemple parmi d'autres où chacun peut y trouver son compte grâce à un partage d'une valeur ajoutée en croissance. Des nouvelles opportunités de production pour les entreprises algériennes, d'acquisition d'un savoir-faire industriel et technologique, des perspectives d'exportation sur des pays tiers et de satisfaction du marché intérieur à brève échéance. Pour les entreprises françaises, fournir une partie des composants automobiles venant en complément de ce qui sera produit ici en Algérie, dans une perspective de montée progressive de la capacité algérienne à produire, à mettre en place une filière automobile conforme aux objectifs d'intégration industrielle fixés par les deux parties à la négociation, nouer des alliances commerciales... Voilà autant de possibilités qui s'offrent à l'Algérie et à la France de tirer le meilleur parti de leur proximité, de leur complémentarité autour de projets bien identifiés avec des retombées économiques, sociales, majeures pour nos deux pays.