Qu'y a-t-il de changé entre le gouvernement d'Ahmed Ouyahia et celui de Abdelmalek Sellal, tous deux se revendiquant comme étant les maîtres d'exécution d'un même programme d'action, celui du président Bouteflika ? Dans le fond rien, dans la mesure où les grands choix économiques et sociaux, pour relancer la croissance et booster l'emploi, sont reconduits dans le programme de gouvernement du nouvel Exécutif. La règle de partenariat des 49/51% avec laquelle semblent s'accommoder, contraints et forcés, les partenaires étrangers est toujours de mise. Le même discours volontariste prônant la levée de toutes les entraves bureaucratiques empêchant l'entreprise algérienne de se mettre à niveau et de gagner en compétitivité est également remis au goût du jour. Tout comme les assurances données par le Premier ministre devant les partenaires sociaux pour améliorer le climat des affaires par un meilleur accès au crédit et un allégement des pressions fiscales au profit de l'entreprise. Ce qu'il y a de nouveau, en revanche, dans la démarche de l'Exécutif, c'est incontestablement le style de gouvernance de M. Sellal, qui cherche à sérier les problèmes sans jeter l'anathème et entrer en confrontation avec les acteurs économiques et sociaux, voire aussi la classe politique comme le faisait avec une arrogance inégalée Ouyahia, qui a réussi la prouesse de se mettre tout le monde à dos. Les opérateurs économiques, les investisseurs étrangers, les travailleurs, les cadres, les médias… L'échec d'Ouyahia, c'est d'abord son incapacité à nouer un dialogue social et politique franc comme on l'a vu lors de certains événements qui ont ébranlé son gouvernement : le mouvement contestataire des arouch, les grèves récurrentes des secteurs de l'éducation et de la santé, la fraude électorale. Autant de taches noires qui ont contribué à forger de l'homme cette image de personnage austère, impopulaire, peu enclin au compromis même dans les situations les plus délicates. Sellal, qui est connu pour son ouverture d'esprit et sa capacité d'écoute, part avec un préjugé favorable et un capital de confiance qui faisait défaut à son prédécesseur. Avec son franc-parler, il a réussi à décrisper les relations faites de méfiance et d'incompréhension, voire parfois de défiance, qui existaient auparavant entre l'Exécutif et les partenaires économiques et sociaux. Usant de pragmatisme, le nouveau Premier ministre n'hésite pas à casser des tabous, comme ce plaidoyer pour accélérer l'adhésion «intelligente» de l'Algérie à l'OMC. Les représentants du patronat et de l'UGTA ont tous relevé le ton nouveau et la disponibilité affichée par M. Sellal pour être à l'écoute de l'entreprise et des travailleurs. Mais les bonnes intentions ne suffisent pas pour rétablir la confiance. C'est sur ses actes que le gouvernement sera jugé. Echaudés par les vaines promesses des précédents gouvernements, beaucoup doutent que M. Sellal ne soit pas, lui aussi, un simple chargé de mission, bridé par une feuille de route dont le seul objectif est de (se) préparer l'échéance présidentielle de 2014. Le pacte de croissance auquel a appelé M. Sellal passe par la mise en place d'un autre pacte économique et social relégué aux calendes grecques. C'est le premier défi que le gouvernement se doit de relever pour apaiser le front social et rassurer les opérateurs économiques.