Plus de quinze jours après avoir été désigné et devenu opérationnel, le gouvernement Sellal donne l'impression de chercher ses marques et son activité visible se résume à des sorties sur le terrain de certains de ses membres. Il va lui falloir pourtant vite administrer la preuve que le remaniement qui lui a donné naissance s'inscrit réellement dans une volonté politique d'en finir avec le statu quo et les tâtonnements improvisés et sans perspective qui ont été la marque du précédent. Le politologue bien connu Mohamed Chafik Mesbah estime avec pertinence que le chef de l'Etat aurait délégué à Abdelmalek Sellal «la mission de décrisper la vie politique et sociale et celle autant que possible de désidéologiser la gestion économique, l'économie étant en état de paralysie». Vaste programme pour la réalisation duquel ou du moins pour sa partie décrispation Abdelmalek Sellal apparaît être l'homme qu'il faut. Il est «l'anti-Ouyahia» idéal pouvant donc convaincre qu'avec lui l'ouverture et le dialogue ne sont pas slogans creux. C'est lui certainement qui a instruit les ministres dont les départements couvent des agitations socioprofessionnelles de nature revendicative à lancer aussitôt installés des appels à dialoguer aux partenaires sociaux de leurs administrations. Pour Bouteflika, la décrispation de la vie politique et sociale est un impératif qu'impose la préparation de l'élection présidentielle de 2014. Elle suppose néanmoins que le pouvoir et par voie de conséquence le gouvernement ne s'arc-boutent pas sur l'autisme et l'autoritarisme qui ont fermé la voie au dialogue responsable. En tant que personne et ainsi que l'a détaillé Chafik Mesbah, Abdelmalek Sellal est paré de qualités humaines qui le prédisposent au débat avec autrui sans considérer les vis-à-vis ne partageant pas ses points de vue comme des ennemis animés de l'intention de nuire à l'intérêt national. La question est de savoir ce que Bouteflika lui a accordé comme latitude dans l'exercice de décrispation de la vie politique et sociale dont il l'a chargé. La composition du gouvernement que Sellal dirige montre que la décrispation voulue ne sera pas aisée à réussir même avec lui à sa tête. Ce ne sont pas les quelques partis ayant accepté d'intégrer ce gouvernement aux côtés du FLN et du RND qui convaincront la classe politique que le pouvoir est dans une disposition positive à son égard. Quant à attendre au plan économique que le gouvernement Sellal va rompre avec la politique du précédent, cela semble utopique. Car les véritables décideurs en la matière n'ont aucune stratégie globale de substitution à celle qu'ils ont appliquée consistant en des investissements tous azimuts que permet l'aisance financière du pays mais sans impact déterminant sur la croissance économique du pays, son affranchissement de la dépendance des hydrocarbures et pour un développement productif durable. Telle quelle, la stratégie «de développement» suivie par les précédents gouvernements et que poursuivra très probablement celui de Sellal a pour le pouvoir la vertu de par l'infinité de réalisations qu'elle fait apparaître de lui permettre d'atteindre son objectif primordial à court terme : celui de préparer le bon déroulement de l'élection présidentielle pour 2014. Après cela, pense-t-il, il a tout le temps de voir venir.