« Les Algériens zappent d'un monde à l'autre sans oublier dans quel monde ils vivent. » La conclusion du documentaire de 26 minutes du journaliste Tewfik Hakem, La télévision des Algériens, programmé dans le cadre de la série d'Arte Toutes les télés du monde, semble résumer les contradictions concentrées dans le téléspectateur algérien. On y voit la superbe explosion du marché du numérique, la foisonnante diversité des programmes et chaînes suivies, de MTV à la très religieuse Iqraâ, au point de faire dire au DG de l'Entv, Hamraoui Habib Chawki que les « chaînes françaises et arabes sont devenues nationales ». Le même Hamraoui avoue dans le documentaire son espoir d'ouvrir, « le plus tôt possible » l'audiovisuel aux chaînes privées. Vœu pieux, pour le moment, face aux volontés des pouvoirs publics de refuser toute ouverture. Le précédent Khalifa TV, chaîne privée de droit français installée à Paris et qui avait milité contre le président sortant en 2004 avant l'effondrement de l'empire de Khalifa Moumene, reste brandi comme le mauvais exemple d'une quelconque ouverture. Un monolithisme qui n'arrive pas, et le documentaire le montre bien, à freiner les volontés d'expression et de critique. Tewfik Hakem fait un zoom sur l'émission satirique d'El F'hama, véritable soupape de défonce cathodique et qui rassemble un gros consensus des téléspectateurs. D'autre part, il y a aussi l'entrée fracassante du capital, des millionnaires des jeux comme dans Akhir Kalima, la publicité et ses larges plages surtout pendant le Ramadhan, le plus haut pic des consommations, mais aussi les tentatives de suivre les modèles venus d'ailleurs comme le talk-show avec Saraha Raha. On fait parler Bayouna qui revient sur le succès dans Nass Mlah City3. Le documentaire donne la parole aussi à une famille de téléspectateurs, classe moyenne, qui reproche notamment à sa télévision la langue soviétique des journaux télévisés et la pauvreté en programmes en tamazight. « Si l'opposition politique n'a toujours pas droit à son temps d'antenne réglementaire, toutes les tendances et paradoxes de la société sont désormais représentés sur le petit écran, dans le meilleur et dans le pire », écrit Tewfik Hakem dans sa présentation du documentaire. Le pire reste aussi la censure dite sociale et l'exemple de l'interruption de la diffusion de la Star Academy, version arabe, en est la plus récente manifestation. Hamraoui parle dans le documentaire de « pressions fortes » et qu'il faut vivre en Algérie pour mesurer le poids de ces pressions. Aïcha Belhadjar, porte-parole du MSP dont le président, également ministre d'Etat, a qualifié Star Academy de « programme à chambre à coucher », explique calmement que « les valeurs de la société ne permettent pas qu'on s'asseoie autour d'un programme pareil ». N'empêche : pour soutenir Rym Ghazali, la candidate algérienne, ses concitoyens poursuivent leurs campagne SMS sur les chaînes libanaises. « L'Algérie est l'un des rares pays au monde possédant une seule chaîne, mais c'est aussi le pays où l'on zappe le plus », dit le commentaire du documentaire. La Télévision des Algériens est une coproduction Arte-France et Point du Jour, la partie algérienne a été assurée par Sora Production. Depuis avril 2005, ARTE et Point du Jour ont fait découvrir plus de 40 pays à travers leurs petits écrans. Diffusion sur ARTE (câble et satellite), tous les samedis à 14h 40, multidiffusion les jeudis à 12h 10.