Mais pourquoi donc nos téléspectateurs sont-ils devenus des drogués du zapping ? La réponse, tout le monde la connaît. Avec une seule chaîne qui ne voit pas plus loin que son nombril et qui par conséquent produit un programme presque uniforme même s'il donne l'illusion de se dérouler sur trois écrans différents, la lassitude et l'ennui sont à la longue... garantis. S'évader et aller voir ce qui se passe ailleurs est devenu, par conséquent, plus qu'un sport national, une nécessité vitale compte tenu du vide culturel effarant qui habite le quotidien des Algériens, marqué de surcroît par une absence quasi totale de loisirs. C'est, au demeurant, parce qu'elle est devenue (un peu trop par rapport à la norme universellement admise) le lieu de prédilection du divertissement “à domicile”, une fenêtre ouverte gratuitement (grâce au système du piratage) sur le monde, une bouffée d'oxygène et une thérapie contre les multiples frustrations qui sévissent dans notre société que la télé algérienne ne laisse pas insensible le regard pointé sur elle de l'extérieur. Autant dire que ce regard est rarement complaisant quand il s'agit d'aller au fond des choses. Ainsi le sondage qu'a produit le bureau parisien de consulting IMMAR concernant l'impact des médias sur les Algériens, notamment l'audiovisuel, révèle que 72,6 % de nos concitoyens sont parabolés, signe que ces derniers ne regardent pas beaucoup le petit écran national. Ce pourcentage est énorme dans un pays où 95 % des ménages possèdent un poste de télévision et traduit en fait l'incapacité chronique de l'Unique à susciter l'engouement de son public malgré tous les efforts réalisés au plan de l'investissement, des équipements et de la formation du personnel. Selon IMMAR, les chaînes étrangères ont ébranlé le monopole de l'ENTV qui perd ainsi une part considérable de marché. De plus, ajoute l'enquête, si l'Unique est surtout suivie pendant le mois de ramadhan, ce sont davantage les femmes férues de feuilletons à l'eau de rose qui lui témoignent le plus de fidélité. En diffusant, dans le cadre de sa série “Toutes les télés du monde”, un reportage sur le zapping des Algériens, la chaîne franco-allemande ARTE va à peu près dans le même sens. Et c'est le grand boss de l'Unique en personne qui confirme tout de go les critiques qui réduisent la boîte qu'il dirige à presque rien en termes d'influence : ”Les chaînes françaises et arabes sont devenues nationales”, dit-il, rejoignant ainsi la conclusion du documentaire qui souligne que “les Algériens zappent d'un monde à l'autre sans oublier dans quel monde ils vivent”. Au passage, nos téléspectateurs ne perdent pas le sens de l'orientation en reprochant à la télévision nationale la langue de bois et la censure pratiquées dans les JT où l'opposition politique n'a toujours pas droit à l'antenne. C'est ce mépris envers le multipartisme et le... public qui rend l'Unique encore moins fréquentable. Y a-t-il une solution pour réconcilier l'Algérien avec son propre miroir ? Evidemment que oui, et là aussi la voie du salut est connue : la démocratisation du champ audiovisuel passe inévitablement par l'ouverture des chaînes aux privés. On peut toujours rêver, mais également penser au sort qui a été réservé à la télé de Moumen Khalifa qui a eu le culot d'apporter une note discordante dans un système où tout est contrôlé d'en haut. Faut-il croire HHC quand il avoue son espoir d'ouvrir le plus tôt possible le paysage télévisuel aux chaînes privées ? Ce serait faire preuve de naïveté car un DG de la télé n'a aucun pouvoir pour agir dans un échiquier qui le dépasse politiquement. Son poker menteur, c'est juste pour la frime...