La peinture de l'artiste Lazhar Hakkar se donne à voir jusqu'au 10 février 2013 au Musée national d'art moderne et contemporain d'Alger. Intitulée «La Traversée de la mémoire», cette exposition se décline sous la forme d'une rétrospective. En effet, cette imposante exposition de peinture renferme 300 œuvres aux dimensions variées. Elle rassemble de nombreuses formes d'expressions de l'artiste. Lazhar Hakkar nous invite à découvrir son travail axé, depuis de nombreuses années, sur les tourmentes de chacun et sur la vie des couleurs. Une balade agréable à travers les trois niveaux du musée permet d'admirer, sinon découvrir de très belles œuvres réalisées avec des techniques mixtes. Le figuratif et l'abstrait se côtoient dans un enchantement de couleurs et de lumière. Il est à signaler que le travail de scénographie et l'accrochage de la toile se sont étalés sur un mois. Le papier et la toile sont les supports de prédilection de l'artiste. Ce dernier aime utiliser dans certaines de ses œuvres de nouveaux matériaux, notamment de l'acrylique, de l'huile et de la terre, donnant une touche très personnelle. La lumière est en osmose avec les couleurs, donne ainsi une conjugaison de créativité, d'innovation et d'expérience. Le travail exposé contient des œuvres réalisées du tout début de sa carrière, en 1971, à nos jours. Une cinquantaine de tableaux appartiennent à des collectionneurs privés. Ces derniers les ont prêtés au Musée pour les besoins de cet événement. Comme l'a souligné Lazhar Hakkar : «Une fois vendues, je n'aime pas voir mes œuvres accrochées sur les murs d'un salon. Je n'aime pas les voir enfermées dans des maisons. Une toile qui est achetée est une toile perdue. Il faut que les collectionneurs créent une association afin d'organiser des expositions. Il faut montrer au public ces tableaux.» L'artiste révèle qu'il est un fin collectionneur. Il détient plus de 300 œuvres en papier, signées par de grands artistes, dont entre autres Samson ou encore Issiakhem. «Ma collection n'est pas des plus importantes. Je pense que si on ne peut pas aimer le travail des autres, on ne peut pas aimer son travail. On ne peut pas évoluer en peinture si on ne regarde pas les autres. Un dessin, c'est une écriture, un signe. Les grands supports me donnent plus de liberté, contrairement aux plus petits qui nécessitent le détail», explique-t-il. La peinture de Lazhar Hakkar paraît tourmentée, voire rongée par un mal existentiel. Ici et là sont alignés des visages blafards d'enfants, de femmes et d'hommes, ployant dans un espace de signes, ou encore des silhouettes déambulant dans le néant. L'artiste reconnaît que sa peinture découle de la souffrance. Il a transposé, sur ses toiles, la mémoire du peuple algérien. Ces toiles sont réalisées le plus souvent avec de l'acrylique sur papier, de la toile ou encore sur une feuille d'or en cartoline. «L'inachevée», «Retrouvailles», «Parlant de Reggane», «Poètes marcheurs», «Où vont-ils ?», «Solitudes», «Mère de harraga», «Hizya», «La grande coulée de Bab El Oued» sont autant de thèmes importants que Lazhar Hakkar a voulu immortaliser sur ses toiles. «Durant la décennie noire que nous avons traversée, explique-t-il, nous étions égarés. Il n' y avait pas de visibilité au niveau de la pensée. J'ai extériorisé cette peur à travers la peinture. Nous avons vécu des moments extrêmement difficiles, où chacun avait peur de l'autre. Aujourd'hui encore, les gens n'ont pas encore extériorisé cette peur. Nous sommes encore sous la pression de cette angoisse. Actuellement, il y a la mémoire de la peur. L'être humain a peur de la pensée. Il n' y a pas de censure». Au premier coup d'œil, ses silhouettes paraissent inquiètes, mais elles sont, prévient l'artiste, gentilles face à leurs souffrances. Elles accueillent leurs problèmes avec élégance. La palette de couleurs est des plus spontanées. Il n'y a pas un souci de réflexion. Chaque moment nécessite une gamme. «La réflexion de l'être n'est pas à la disposition de l'humeur. J'aime toutes les couleurs sans exception», indique-t-il. L'artiste Lazhar Hakkar révèle certes qu'il vit de son art, mais ce n'est pas toujours la joie. «Je suis peintre. Il m'arrive de temps en temps de manquer de choses, mais ce n'est pas une tare. C'est la vie d'artiste.»