Sa disparition constitue pour l'Algérie la perte d'un valeureux patriote, d'un militant engagé, d'un grand commis de l'Etat. Il y a quelques jours, précisément le 13 novembre 2012, Hafid Keramane nous quittait. Sa fin, aussi brutale qu'inattendue, a accablé et meurtri sa famille, ses amis, ses compagnons de lutte qui lui témoignaient un attachement indéfectible et une immense affection. Sa disparition constitue pour l'Algérie la perte d'un valeureux patriote, d'un militant engagé, d'un grand commis de l'Etat qui, toute sa vie durant, a servi sa patrie avec un dévouement et une abnégation admirables, restant ainsi fidèle aux valeurs morales et aux idéaux patriotiques puisés dans son éducation familiale. Hafid Keramane est né le 5 avril 1931 à Béjaïa. Après ses études primaires et secondaires, il entama ses études supérieures à l'Université d'Alger. Il s'engagea rapidement dans le mouvement étudiant au sein de l'Association des étudiants musulmans d'Afrique du Nord (Aeman) et rejoindra les rangs du FLN, au sein duquel il militera activement. En 1956, Hafid Keramane rejoint Paris pour suivre des études supérieures en droit et en sciences politiques. Dans le cadre des activités estudiantines, Hafid sera élu président de la section de Paris de l'Union générale des étudiants musulmans algériens (Ugema). L'année suivante, il participera, en décembre 1957, au 3e Congrès de l'Ugema, dont il présidera plusieurs séances et sera élu membre du comité directeur. Parallèlement à ses activités estudiantines, Keramane militera activement au sein des structures du FLN, ce qui lui vaudra d'être désigné, par les dirigeants de la révolution, responsable de la délégation des Affaires étrangères en Allemagne fédérale. A ce poste, il s'associe à l'action de la Fédération de France du FLN, qui avait la lourde tâche d'assurer l'acheminement vers l'Allemagne fédérale et la prise en charge de nombreux militants algériens recherchés et traqués en France par la police coloniale. Durant cette période, Hafid Keramane et son collaborateur, Mouloud Kacem, déployaient des efforts infatigables pour tisser un large réseau de soutien en Allemagne, en faveur de la cause algérienne, réseau composé de personnalités venant de milieux divers : politiciens, syndicalistes, intellectuels, étudiants, jeunes, etc. Ils réussirent ainsi à mobiliser l'opinion allemande et à populariser la lutte et les objectifs du peuple algérien. A ce propos, il convient de souligner le rôle exceptionnel joué par Hans Jürgen Wischnevski, personnalité éminente du Parti social-démocrate allemand (SPD). M. Wischnevski, grand et fidèle ami de Hafid, a été l'âme et la cheville ouvrière du réseau de soutien à l'Algérie. Il a rendu des services incomparables à notre pays en lutte, malgré les pressions incessantes des autorités françaises et les menaces de mort émanant de l'organisation terroriste française «La main rouge». Aussi, est-ce avec émotion, respect et admiration que nous évoquons son souvenir, et c'est avec une immense gratitude que nous nous inclinons devant la mémoire de cet illustre ami de notre pays. Dans le domaine de l'information, Hafid Keramane a joué également un rôle important. Outre la publication et la diffusion de bulletins et de tracts, il a participé à l'élaboration et à l'édition par le FLN d'un ouvrage portant le titre La Pacification et signé de son nom véritable, car à l'époque il était connu sous le pseudo de Malek. Le titre de cet ouvrage tourne en dérision le cynique euphémisme utilisé à l'époque par les autorités coloniales françaises pour masquer la répression féroce qui frappait les Algériens et travestir les horreurs de la guerre d'Algérie. Cet ouvrage - traduit en une vingtaine de langues - rassemble des écrits et témoignages les plus significatifs sur les crimes génocidaires perpétrés par la France en Algérie. Au début de l'année 1960, Hafid Keramane est nommé chef de la mission diplomatique du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) en Tunisie, poste qu'il occupera jusqu'à l'indépendance. Il reçoit un accueil chaleureux de la part du président Bourguiba et du gouvernement tunisien, avec lesquels il renforce les liens de solidarité et de coopération fraternelles entre les dirigeants et les peuples des deux pays frères, résolument engagés dans la lutte contre le colonialisme et ses séquelles. Après l'indépendance, Hafid Keramane connaîtra une longue et brillante carrière diplomatique. En juin 1963, il est nommé ambassadeur en Allemagne fédérale où il retrouve un pays connu, dont il a apprécié l'hospitalité et des amis fidèles avec lesquels il initie une coopération particulièrement intense et fructueuse. En mai 1966, il sera muté au Brésil, pays le plus important d'Amérique latine, non seulement par sa superficie et sa population, mais aussi par ses immenses potentialités économiques en pleine expansion. Malgré la dictature militaire, des liens discrets mais soutenus sont liés avec l'opposition, ce qui sera particulièrement utile pour le développement des relations entre les deux pays, après le retour à un régime démocratique au Brésil. En novembre 1974, Hafid est nommé ambassadeur en Iran. Il parviendra à établir entre les deux pays un climat de confiance à tel point que le Shah d'Iran propose à l'Algérie de jouer son rôle de médiateur dans le conflit qui oppose l'Irak et l'Iran sur les problèmes du Golfe arabo-persique. A l'occasion de la réunion à Alger de la conférence au sommet de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole(OPEP) en mars 1975, un accord dit «d'Alger» a été conclu par les deux protagonistes sous les auspices de l'Algérie. Par la suite, Keramane occupera successivement les postes d'ambassadeur à Varsovie, en Pologne (novembre 1978 - septembre 1982), à Tokyo, au Japon (septembre 1982 - septembre 1984). Enfin, son dernier poste à l'extérieur sera La Haye (Pays-Bas), où il achèvera sa mission, après avoir relancé avec ce pays une forte coopération en matière d'énergie, en collaboration avec le bureau de Sonatrach à Rotterdam, premier port pétrolier dans le monde. Rentré à Alger, Hafid Keramane est nommé ambassadeur-conseiller du ministre des Affaires étrangères, de janvier 1990 à décembre 2001, date à laquelle s'achèvera sa longue et brillante carrière pour une retraite bien méritée. Hafid, en nous quittant, laisse un vide immense, mais ceux qui ont eu le bonheur de le connaître ne peuvent oublier les qualités de cœur et d'esprit qui l'ont toujours animé et qui ont fait de lui un homme d'élite qui aura mérité de la patrie. En ces moments particulièrement affligeants, nous nous associons de tout cœur au deuil cruel qui frappe la famille de Hafid et partageons sincèrement l'immense douleur qui l'a terrassée. Nous adressons à son épouse, à ses enfants, à ses frères et sœurs ainsi qu'à l'ensemble des membres de sa famille nos condoléances les plus attristées, avec l'assurance de nos sentiments de profonde et fraternelle compassion, tout en élevant vers Dieu Tout-Puissant de ferventes prières pour qu'Il accueille Hafid dans Sa Sainte et Infinie Miséricorde.