La presse nationale a fait état d'une instruction adressée par la Direction générale de la sûreté nationale (DSGN) à tous les commissariats de police leur demandant de rester vigilants suite à des informations parvenues aux services de sécurité indiquant que le Gspc s'attelle à réactiver ses réseaux terroristes en lançant une opération de recrutement des repentis et des islamistes élargis dans le cadre de la loi sur la charte et la réconciliation nationale. Le risque de voir les anciens activistes islamistes reprendre du service est somme toute prévisible et d'ailleurs même les services de sécurité doivent sans nul doute intégrer cette hypothèse de travail dans la gestion du volet sécuritaire de la mise en œuvre de la loi portant charte et réconciliation nationale. Il fallait en effet être naïf ou méconnaître les fondements doctrinaires de l'islamisme radical dans sa forme la plus violente telle qu'expérimentée en Algérie pour croire que les activistes islamistes qui ont bénéficié des dispositions de la loi sur la réconciliation en déposant les armes ou ceux élargis vont tous retourner allégrement à la vie « civile » en mettant un terme définitif à leur activisme sous une forme ou une autre en faveur du projet de société pour lequel ils avaient milité. En vidant les prisons de ses pensionnaires affiliés au parti dissous, même les éléments les plus actifs et les plus fanatisés, le pouvoir a-t-il pris un risque calculé ? D'où le pouvoir tient-il en effet cette assurance jugée par beaucoup excessive, voire à la limite d'un jeu de poker, pour afficher une telle sérénité à toute épreuve face à ce dossier qui ne semble pas ébranler outre mesure ses certitudes que c'est l'unique voie de salut pour l'Algérie pour sortir de la crise ? Quelles sont les garanties dont le pouvoir peut se prévaloir pour éviter que la main ainsi tendue ne soit pas un coup d'épée dans l'eau, pour que les activistes qui ont bénéficié de la mansuétude de l'Etat ne profitent pas de cette brèche pour poursuivre et achever un « contrat de travail » auquel ils ne paraissent pas prêts à renoncer à décoder les messages que l'on entend ici et là dans l'entourage de ce courant ? Les ex-militants du parti dissous qui ont bénéficié des dispositions de la loi seront placés sous haute surveillance rassure-t-on dans les milieux officiels. Une telle tâche requiert la mobilisation d'importants effectifs eu égard aux bataillons d'activistes à accompagner dans cette phase délicate de réinsertion sociale sujette à tous les dérapages. L'Etat a-t-il les moyens d'une telle politique ? En jouant la carte de la réconciliation, fort de l'appui de certains chefs terroristes qui ont soutenu l'initiative du président Bouteflika, le pouvoir pensait avoir entre ses mains toutes les clefs pour ouvrir les portes de la paix. Peine perdue. L'implication de Madani Mezrag et consorts dans la campagne pour la réconciliation semble éprouver toutes les peines à produire l'effet attendu sur les maquis encore en activité si l'on en juge par les redditions au compte-gouttes enregistrées depuis la mise en œuvre de la loi. RETRAITE POLITIQUE Pas plus que le nouveau contexte politique né de la mise en œuvre de la charte pour la paix n'a réussi à faire revenir à de meilleurs sentiments les anciens dirigeants politiques du parti dissous qui ont clairement fait savoir qu'il ne faudrait pas compter sur eux si on cherche à les contraindre à une retraite politique forcée au nom de cette charte. La fébrilité qui s'est emparée de certains d'entre eux se trouvant en Algérie ou en exil résonne clairement comme une fin de non-recevoir de l'initiative présidentielle. La sonnette d'alarme tirée par la DGSN quant à l'opération de recrutement des activistes élargis lancée par le Gspc a contribué à semer davantage de trouble et de confusion encore dans les esprits des algériens qui sont de plus en plus nombreux à se demander si le pouvoir n'est pas en train de faire avec la loi sur la réconciliation un périlleux exercice de trapèze sans aucun filet protecteur. Depuis la loi sur la concorde civile et la rahma, le pouvoir, pour se donner bonne conscience, a toujours averti qu'il ne se faisait pas d'illusion quant à la réaction négative des groupes armés irréductibles qui continueront à sévir. De la même manière on n'a pas écarté la possibilité avec l'ordonnance sur la charte pour la paix que des éléments élargis puissent être tentés par l'aventure de rejoindre les maquis. L'offre en termes de « raison sociale » est en effet plus alléchante - le terrorisme est une activité des plus prospères avec l'argent du racket - que les indemnisations et le filet social proposés par l'Etat. Certes on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs. Il serait en effet présomptueux de croire qu'il puisse exister une option zéro en termes de risque concernant les détenus islamistes qui pourraient reprendre du service. Les experts du terrorisme sont unanimes à admettre qu'il suffit de quelques éléments pour semer la terreur dans une ville. L'inquiétude des citoyens face à ces nouvelles qui n'ont rien de réjouissantes est d'autant plus grande que les terroristes libérés sont pour la plupart aguerris et par conséquent immédiatement opérationnels. La mise en garde ferme adressée aux anciens dirigeants du parti dissous par le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia lors de sa dernière conférence de presse leur rappelant les termes de la loi et la détermination de l'Etat à veiller rigoureusement à leur application pourrait, si elle est suivie d'effet, signer la fin de l'état de grâce qui avait accompagné les débuts de la mise en œuvre de l'ordonnance portant charte et réconciliation nationale. Une période faite de tâtonnements et de ballons- sondes pour jauger le terrain et l'adversaire. Tout le monde aura remarqué que depuis lors c'est le silence radio dans les rangs du parti dissous à l'exception des dirigeants établis à l'étranger qui ont pris le relais pour poursuivre le bras de fer engagé avec le pouvoir en vue d'obtenir de nouvelles concessions qu'ils n'ont eu de cesse de réclamer, à savoir l'amnistie politique. Les étreintes chaleureuses échangées entre Ali Benhadj et Layada à la sortie de prison de ce dernier sous les cliquetis des appareils des photographes n'ont même pas besoin d'être décodées pour en saisir un quelconque sens caché tant le message est clair comme l'eau de roche.