Il est devenu une tautologie de dire que nul pays ne peut se développer si toutes ses institutions et ses entreprises économiques ne pratiquent pas un management de classe mondiale. Le management est la ressource des ressources. En son absence, toutes les richesses du monde ne peuvent développer un pays durablement. Mais en l'utilisant, même les nations les plus démunies parviennent à se hisser au rang de superpuissance économique mondiale. Lorsqu'on évoque ces principes, on ne rencontre aucune objection de la part de nos décideurs. Bien sûr, l'adhésion à ces repères semble même susciter de l'enthousiasme. Toutes ces bonnes intentions se terminent toujours de la même manière : créer une nouvelle école de management dotées de peu de ressources, sans autonomie et gérée centralement. Mais le monde réel continue de connaître très peu d'avancées significatives. Les formations, les recyclages et les pratiques demeurent bien en deçà des attentes et des performances des pays émergents. Conséquences économiques et sociales Un pays ou l'ensemble des institutions est géré sans management n'accédera jamais au rang de pays émergent ; et encoure moins aspirer à se développer. Et ce, quels que soient les volumes de ressources injectées. Qu'arrive-t-il lorsqu'un pays dont l'ensemble des entités sont sous-gérées arrive à mobiliser d'énormes ressources pour les injecter dans son économie, pour initier une croissance plus forte et en bout de chaîne l'amorce du développement. On peut cibler surtout les infrastructures, par exemple. Les entreprises du pays ainsi que les administrations n'ont donc ni les connaissances, ni les systèmes d'information, ni les qualifications, ni les capacités de négociation et de contrôle efficients. 70% ou plus des ressources vont se perdre en malfaçons, restes à réaliser, surcoûts et l'inévitable corruption. Cette dernière prospère lorsque l'ensemble des institutions est insuffisamment managé. La vaste majorité de nos économistes et de nos analystes a toujours sous-estimé cette préoccupation. Ce qui explique pourquoi ils ont adhéré en masse et avec peu de réserves aux fameux plans de relance. La seule objection souvent formulée concerne un meilleur ciblage des dépenses : une inquiétude dérisoire et naïve. On demande à des institutions incompétentes de devenir efficace, par un heureux miracle. Les conséquences seront donc terribles sur les plans économique et social. En fin de parcours, le pays réalise 20 à 30% des objectifs fixés. Les ressources gaspillées seront énormes. Le pays aura quelques infrastructures en plus (30% tout au plus de ce qu'il aurait pu avoir), mais les qualifications humaines et la compétitivité du pays aura régressé par rapport à ses principaux concurrents économiques. Nous venons de vivre une expérience pareille grandeur nature dans notre pays. Les projections des spécialistes se sont réalisées. Que disent alors nos fameux experts économistes ? Cela ne fait rien, on a réalisé des infrastructures qu'il faut maintenant savoir utiliser. Si on analyse profondément, ils disent deux choses. Premièrement : cela ne fait rien si nous avons dépensé 500 milliards de dollars mais nous avons obtenu en échange 100 milliards de dollars d'infrastructures (la culture économique algérienne occulte toujours les coûts). Deuxièmement : ils disent à ces mêmes institutions : vous avez été inefficaces, vous êtes sous-gérées, mais s'il vous plaît cette fois-ci, gérez-vous bien et utilisez bien (par miracle) les infrastructures réalisées. En réalité, il faut une volonté politique forte et une mobilisation de ressources énormes pour rendre ces institutions efficaces. Modernisation managériale, ce qu'il convient de faire Seule une prise de conscience de l'importance des problèmes et des priorités peut constituer un début de solution. Au lieu de fournir des ressources à des institutions sous-gérées dans l'espoir vain qu'elles les utiliseraient efficacement il faut utiliser une grande partie de ces moyens pour rendre ces entités performantes. Après on sera sûr qu'elles vont utiliser efficacement les ressources. Par exemple, si les prochains programmes de relance vont consacrer 500 milliards de dollars sur dix ans pour redresser le pays, il faut utiliser au moins 300 milliards pour mettre à niveau les qualifications humaines (éducation et recyclages des personnes opérationnelles) et pour moderniser le management de nos institutions. C'est la priorité. Le facteur-clé de succès. Toute autre préférence serait fausse. Nous ne pouvons pas expliciter l'ensemble des détails liés à cette opération. Mais l'exécution est un processus technique que les personnes qualifiées peuvent aisément mettre en œuvre. Le problème est le choix des priorités par les décideurs. Parmi les mesures remarquables qu'il convient de prendre, la première concerne l'accès à des postes de responsabilité au sein des entreprises et des institutions publiques. Des critères d'accès transparents doivent inclure la formation, l'expérience mais surtout les résultats prouvés dans un domaine voisin. Passer d'une gestion par les tâches à une gestion par les objectifs. Les gestionnaires des institutions administratives signeront également un contrat de performance. On ne dira plus à un wali d'administrer une wilaya mais de diminuer le taux de chômage de 2% par an, d'améliorer le taux de réussite scolaire de 1% par an et de réduire la mortalité infantile de 2 pour mille chaque année, par exemple. Les avantages et les promotions seront en fonction des résultats obtenus. Pour tirer vers le haut le secteur privé, les octrois de marchés et de crédits par les banques publiques doivent être réservés aux entreprises qui respectent les normes managériales établies (qualifications humaines, TIC, certifications etc.). Nous pouvons établir des procédures pour la plupart des activités administratives avec les délais, les critères de vérifiabilité, etc. Le chantier de la modernisation managériale est vaste. La généralisation des TIC couplée avec une utilisation judicieuse pour améliorer les coûts et booster l'efficacité peut aboutir à rehausser sensiblement les performances de nos institutions. Mais force est de constater que la réforme administrative connaît une quasi-stagnation et l'amélioration du management de nos entreprises économiques se fait à un rythme beaucoup plus lent que la cadence requise pour être compétitif au niveau mondial. La modernisation managériale doit être comme on le préconise souvent : « la priorité des priorités ».