Le débat sur la relance économique reprend de plus belle. On s'accorde à dire qu'après avoir dépensé 500 milliards de dollars dans une relance par le financement des infrastructures, le résultat est loin de satisfaire les décideurs. Les économistes qui ont mal conseillé le gouvernement au départ se donnent bonne conscience en se disant que nous avons constitué avec cette cagnotte un stock d'équipements que nous pourrons utiliser à l'avenir. Ils feignent d'ignorer que l'on aurait pu avoir 3 à 4 fois plus d'équipements avec le même montant si l'on avait choisi une stratégie ayant fait ses preuves dans des pays comme la Chine et la Malaisie. Notre culture économique a toujours ignoré l'aspect coût. L'existence de quelques équipements suffit à nous satisfaire. Qu'importe si l'on aurait pu les obtenir à 200 plutôt que 500 milliards de dollars. Le côté dépense est toujours marginal, insignifiant, peu pertinent et jamais pris en considération dans les évaluations des politiques économiques. Au vu des débats et des idées qui circulent, on s'orienterait vers d'autres erreurs. Rénover le modèle administratif et le mode de gouvernance des entreprises En effet, en politique économique les erreurs possibles sont illimitées. En éliminer quelques-unes ne signifie pas pour autant être sur la bonne voie. Il y a de nombreuses erreurs et pièges à éviter. Les prochains plans de relance ne seront pas basés sur le financement des infrastructures. Ce type d'erreur est maintenant derrière nous. Comme le sont le cortège des bévues commises depuis des décennies qui consistaient en une politique d'industrialisation sans maîtrise managériale aucune : le programme de l'autonomie des entreprises des années 90, l'économie de marché publique, la relance par les infrastructures ne sont qu'échantillon de pratiques dont les conséquences néfastes ont de loin excédé les piètres bienfaits. Ainsi, comment peut-on entrevoir les futures erreurs de politique économique ? Très simple ! Il suffit d'analyser en profondeur la culture économique du pays. Nous sommes l'un des rares pays où les décideurs et les leaders d'opinion pensent que la planification hyper centralisée et hyper bureaucratisée des années soixante-dix aurait pu mener le pays vers la voie du développement, si l'on n'avait pas interrompu l'expérience. Les ex-pays socialistes ont fait le deuil de l'ère de la planification hyper centralisée, à l'inverse de chez nous. Dès lors que cette idée est enracinée dans notre culture économique, tout ce qui peut rapprocher le système économique de ce «modèle inconscient» serait salutaire. Bien sûr on surenchérit avec des arguments tels que «on ne fait pas de distinction entre le secteur public et le secteur privé» alors qu'en réalité, on ne se prive pas d'avoir deux poids, deux mesures dans tous les domaines (assainissement, accès aux crédits, etc.). En fait, de quoi s'agit-il ? Nos économistes arguent une évidence macroéconomique en énumérant les quatre moteurs de la croissance, à savoir la consommation, l'investissement, l'exportation et les dépenses de l'Etat. Nous avons eu jusqu'à ce jour un unique moteur en action. Il s'agit des dépenses de l'Etat puisque l'investissement productif était inférieur à 15% du PIB. Aussi que va-t-on préconiser d'autre ? La grande majorité de nos entreprises ne savent pas exporter. Nous avons augmenté les salaires sans contrepartie productive ; ce qui a contribué à booster les importations qui passent de 10 milliards de dollars en 2000 à 50 milliards de dollars en 2012. Une recommandation pragmatique serait de libérer les liquidités gelées des banques au profit des entreprises productives et de procéder à la substitution aux importations puis à quelques exportations. Bien entendu, en parallèle, il est primordial de rénover le modèle administratif, le mode de gouvernance des entreprises ainsi que la modernisation de la formation. Mais malheureusement l'essentiel des ressources sera concentré sur l'investissement productif uniquement. Voilà une autre erreur dont on ne manquera pas de faire les frais à moyen terme. Echec recommencé ! Certes, en ouvrant les vannes du crédit et en allégeant quelque peu l'étau administratif, nous aurons des équipements de production, des emplois supplémentaires et nous diminuerons le montant des importations. Nous garderons une croissance de 5 à 6% hors hydrocarbures. Ce qui demeurera la croissance extensive actuelle. Elle n'aura d'existence uniquement le temps d'épuiser la totalité des ressources disponibles. Parmi les entreprises qui bénéficieront de crédits, de terrains et d'avantages divers, quelques-unes d'entre elles (une dizaine) seulement vont s'améliorer, exporter, conquérir des parts de marché. Mais la plupart d'entre elles malheureusement vont connaître des problèmes conséquents. Elles ne sauront ni faire face à la sous-qualification des ressources humaines, ni à la sous-gestion des administrations, ni aux cultures managériales inopérantes etc. Nous continuerons ainsi de répéter la même vieille erreur et ce depuis quarante ans : tenter la voie du développement avec des ressources humaines peu qualifiées et un management sous-développé. Il faut croire que cela fait partie de notre culture économique qui ignore trois éléments pourtant indispensables à la survie d'une organisation saine : les coûts, les qualifications humaines et les pratiques managériales. Pour imager mon propos, je dirais que nous nous acharnons inutilement à remplir d'huile ou d'essence une voiture en panne au lieu d'en réparer le moteur ! Les performances du véhicule n'en seront que plus médiocres. Alors que faut-il faire pour sortir de ce schéma d'échec inscrit, semble-t-il, dans l'ADN de notre culture économique ? Au risque de me répéter une nouvelle fois et ce depuis trente ans, il est impératif de : 1. Concevoir et exécuter un plan Marshall de recyclage des ressources humaines en opération et de moderniser le système éducatif pour les générations futures ; 2. Moderniser les institutions administratives et les entreprises avec une approche managériale adaptée avec notamment le développement des TIC pour accélérer le processus ; 3. Financer l'investissement productif au profit des entreprises publiques et privées, sans distinction aucune pour celles qui auraient atteint un niveau de maîtrise managériale adéquat (des audits sérieux peuvent dénombrer ces entreprises) ; 4. Libérer l'initiative privée du carcan administratif et politique. De nombreux autres points doivent être réglés. Il est impossible de les identifier dans ce contexte. Même en encourageant les initiatives du carcan administratif actuel et en qualifiant, je crains que le poids de notre culture économique oriente plus de 80% de nos ressources à la relance et moins de 10% à l'amélioration qualitative des ressources humaines et des pratiques managériales et alors c'est un autre échec qui nous attend.