Le dominicain, Jean-Paul Vesco, vient d'être désigné par le pape Benoît XVI à Rome comme nouvel évêque d'Oran. Il succède à Alphonse Goerger. Le parcours du Lyonnais Jean-Paul Vesco est tout sauf ordinaire. Devenu évêque du diocèse d'Oran samedi dernier, le frère dominicain, prêtre depuis 2001, est arrivé à la vie religieuse par le plus grand des hasards, si on ne considère pas la Providence, l'une des notions les mieux partagées par les chrétiens. Né le 10 mars 1962 à Caluire, dans la très proche banlieue lyonnaise, il fit ses études au lycée mariste, mais il se destinait à une vie profane dans laquelle il commença une carrière prometteuse. Après de sérieuses études en droit à Lyon III, mais aussi un DESS de fiscalité, ainsi que l'Ecole des officiers de réserve de Saumur, il entre dans un cabinet d'avocats de Paris, situé au faubourg Saint-Honoré, en face du couvent des Dominicains. Avocat pendant sept ans, il change de destinée après 1994 pour une vie religieuse. Il entame son noviciat dans l'Ordre des dominicains. D'abord moine, il est ordonné prêtre en 2001, à presque 40 ans. Après avoir étudié en Israël, à l'Institut pontifical d'étude du judaïsme, puis à l'Ecole biblique de Jérusalem, c'est vers le monde arabe qu'il se destine. Arrivé dans le diocèse d'Oran en 2002, au couvent dominicain de Tlemcen (quatre personnes entre cette ville et Alger), il est rapidement devenu délégué du diocèse oranais pour la préparation de l'Assemblée interdiocésaine d'Algérie (AIDA). Déjà aux dires de ses proches, il est remarqué par les évêques d'Algérie (Alger, Constantine, Oran, Laghouat et Ghardaïa). En 2005, il devient vicaire général du diocèse d'Oran, et depuis 2007, économe. Le 16 octobre 2007, il est élu supérieur de la communauté de Tlemcen. Pour s'imprégner du monde musulman, il passe un an lors de son arrivée en Algérie, en 2002, à Béni Abbès, dans la maison de l'ermitage de Charles de Foucauld, personnage qui continue de marquer les chrétiens en Algérie et de par le monde par sa dimension spirituelle de fraternité qu'il a apportée à sa vocation religieuse. Plus tard, au cours de ses huit premières années passées en Algérie, il crée des rencontres annuelles d'étudiants subsahariens à Tlemcen. Econome et vicaire (numéro 2 du diocèse), il participe aussi à la cathédrale d'Oran en novembre 2010. «Le témoignage d'une présence en amitié» La roue tourne de nouveau, puisqu'il est élu comme provincial de France au début 2011. Le jour de son élection par ses frères, le 28 décembre 2010, il se trouvait en Algérie. Il quitte ainsi l'Algérie en un moment fort, alors que les révoltes arabes grondaient et que la rue algérienne, en février 2011 rejoignait, timidement le mouvement. A cette époque, il disait : «J'ai appris mon élection alors que j'étais à Alger. Du jour au lendemain, il a fallu quitter le pays, sans une affaire ni un au revoir. Je m'attendais à passer ma vie en Algérie : notre raison d'être dans ce pays, c'est de nous enraciner, et en un coup de téléphone, il fallait d'une certaine manière couper toutes ses racines.» Avant cette propulsion inattendue comme «patron» des dominicains, il pensait partir de nouveau dans le monde arabe, au Caire, pour parfaire son arabe. Elu pour quatre ans, il aurait dû patienter ces longues années avant de retrouver ses ailes, mais le pape a raccourci son mandat à deux ans seulement, tenant compte peut-être de sa volonté de s'ancrer en Algérie. Jean-Paul Vesco succède à un autre Français, originaire de Sarreguemines, Alphonse Georger, qui a atteint la limite d'âge. Lui-même avait pris ses fonctions après la mort, dans un attentat d'un dominicain, Pierre Claverie, en août 1996, alors que Jean-Paul Vesco faisait ses premiers pas dans l'Eglise. Pour le nouvel évêque, l'Eglise d'Algérie est «le témoignage d'une présence en amitié, non prosélyte, c'est le témoignage d'un Dieu aimant pour tous les hommes». Se disant renforcé dans sa foi dans un monde musulman, il explique son bonheur d'être dans une société où «la question de l'existence de Dieu ne se pose pas. Il est partout, jusque dans les formules de politesse». A 50 ans, l'âge de l'Algérie indépendante, il est maintenant sûr de se poser pour quelques années. Un évêque ne change pas de nomination aisément. Il aura le temps de s'assurer de la pertinence de sa vision des choses, et de son choix de l'Algérie.