Gagner les élections» est une expression complètement vidée de son sens depuis quelques jours dans notre pays, au vu de la tournure prise par le processus, supposé être démocratique, de renouvellement des Assemblées locales. Une semaine après le scrutin du 29 novembre, le verdict des électeurs est chaque jour remis en cause, en fonction des alliances qui se font et se défont entre les listes ayant recueilli le minimum de voix exigé par la loi. La profusion des partis agréés dans le sillage des «réformes politiques» conjuguée à certaines mesures qui paraissent anodines, comme l'augmentation du nombre de sièges dans les assemblées, présageaient déjà un cafouillage aux portes des mairies. Présenté comme un texte de loi conçu pour prévenir les situations de blocage, le code électoral promulgué en janvier dernier aura finalement institué l'instabilité et la confusion qui se sont manifestées dès le lendemain des élections locales. Les résultats du vote ne suffisent plus pour départager les candidats et installer celui ou celle qui présidera aux destinées de la collectivité. Les suffrages des électeurs deviennent secondaires devant le large éventail d'alliances et de pactes rendus possibles, sinon obligatoires, par les nouvelles dispositions réglementaires. Le vainqueur du jour peut être déclaré vaincu le lendemain. Par la grâce d'un dispositif institutionnel qui n'a pas encore livré tous ses secrets, les protagonistes politiques se rendent compte, aujourd'hui, qu'ils jouent à qui perd gagne. Dans cette phase laborieuse des tractations, fixée à 15 jours par la loi, presque autant que la campagne électorale, ce sont les nouvelles formations politiques, sorties de nulle part, sans parcours et sans programme, qui se retrouvent arbitres dans la formation de la majorité qui contrôlera l'Assemblée. Si l'objectif était de décrédibiliser la classe politique, d'éloigner durablement les électeurs des rendez-vous électoraux, le pouvoir en place ne se serait pas pris autrement. Alors que les postes de responsabilité au sommet de l'Etat échappent depuis l'indépendance du pays à tout processus électoral véritable, régulés uniquement par les rapports de force au sein du sérail, voici que la cellule de base de l'édifice institutionnel, l'APC, est livrée à des arrangements de nature clanique. Il est clair que les exécutifs vacillants qui seront installés aux assemblées locales au plus tard dans une semaine n'auront pour objectif que de maintenir le pacte le temps du mandat de cinq ans. Quant aux attentes des citoyens, elles n'auront que la rue pour se manifester.