La Kabylie, que tout le monde avait oubliée, disparue derrière les écrans de fumée des pneus brûlés, est de retour sur scène. Coup sur coup, le gouvernement y a remis un pied pour négocier le retour des gendarmes et le cheikh El Karadaoui y est allé de son chef pour expliquer aux Kabyles qu'ils sont aussi musulmans. Encadré par des gardes du corps de la Présidence, l'éminent mufti d'Al Azhar a parlé comme Aït Ahmed en ponctuant son introduction par des « azul fellawen » en tamazight dans le texte, a discouru comme Bouteflika en tenant à préciser que « la Kabylie est la terre d'Islam et ne peut se dissocier de l'Islam comme l'Islam ne peut se dissocier d'elle », et même comme Sadi en annonçant que « ceux qui tentent vainement l'évangélisation de cette région se trompent de société ». Un bon Kabyle, cheveux bouclés dans le sens de la minorité et paranoïa politique en bandoulière, pourrait se demander ce que vaut ce redéploiement des forces religieuses et militaires dans sa région hostile à toutes les forces ? C'est que suspects de passer dans le camp ennemi des chrétiens et accusés de ne pas bien applaudir à la réconciliation, les Kabyles ont réussi à capter toutes les accusations nationales. Car la faculté de la région tient à ce qu'elle attire tout, excepté les investissements. Entre GSPC et gendarmes, entre chrétiens et musulmans, la Kabylie oscille aussi entre le FFS et le RCD, tout comme elle hésite entre le FLN et le RND. Pour El Karadaoui qui avait déjà appelé les islamistes algériens à déposer les armes, il aurait semblé plus judicieux d'appeler le GSPC, très présent en Kabylie, à déposer les armes plutôt que de demander aux civils à déposer la religion chrétienne. De même pour les gendarmes, il aurait semblé plus judicieux de pourchasser les groupes du GSPC en unités mobiles que d'insister à avoir des locaux commerciaux en Kabylie.