Les réserves de changes de l'Algérie ont atteint, à la fin février 2006, 61 milliards de dollars, a annoncé, hier lors de l'émission « Questions de l'heure » de la Chaîne III de la Radio nationale, Karim Djoudi, ministre délégué chargé de la Réforme financière. Déjà historiques, ces réserves étaient de l'ordre de 59 milliards de dollars à la fin de l'année écoulée. La bonne conjoncture pétrolière et gazière est liée à cette amélioration des ressources du pays. Dans les prochaines années, et selon des prévisions internationales, l'Algérie pourrait engranger des réserves de changes pouvant atteindre les 100 milliards de dollars. Sans préciser de période, le ministre a annoncé que 1700 milliards de dinars de crédits bancaires ont été distribués, utilisés à 45% par le secteur public. Le remboursement des crédits est géré, selon lui, par les règles prudentielles qui prennent en charge le risque. Interrogé sur le peu d'engouement des banques publiques à financer les investissements, le ministre a rappelé les règles commerciales et de service que ces établissements suivent. « La banque n'a pas une automaticité en matière de mobilisation et d'affectation. Elle doit mesurer les risques et éviter de mettre en danger ses équilibres internes. Il y a une responsabilité sur chaque crédit donné et sur chaque volume de crédit donné », a-t-il précisé. Il a reconnu la faiblesse de capacité des banques publiques à répondre aux demandes exprimées à travers des dispositifs de création comme ceux de l'Ansej. « Ce n'est pas un problème de coût ou de solvabilité (...). C'est un problème d'organisation pour pouvoir faire face à une multitude de demandes », a-t-il précisé, ajoutant qu'un traitement spécifique sera accordé à ce genre de dossiers. Selon lui, le système bancaire collecte plus de ressources et emploie plus de crédits. « Mais ce système a besoin de clients de qualité en face capables d'absorber l'offre de crédits », a-t-il dit, précisant que 85% des crédits sont affectés au secteur privé. Afin d'éviter « la saturation » constatée dans le secteur des minoteries, les banques publiques se sont rendu compte, d'après Karim Djoudi, de la nécessité de diversifier les portefeuilles et d'apprécier le marché. A cet effet, des structures d'études se sont développées à l'intérieur des banques. Interrogé sur l'identité des « mauvais clients », le ministre a indiqué qu'il s'agissait surtout des entreprises publiques déstructurées. Les entreprises des secteurs en difficulté, comme le textile et la mécanique, ne bénéficient presque plus de crédits bancaires. Il a annoncé qu'en 2006, l'un des objectifs est l'amélioration de la gouvernance des banques publiques avec, entre autres, la création d'un comité d'audit. De plus, un dispositif sera mis en œuvre pour le traitement de la relation entre les banques publiques et les entreprises publiques. Karim Djoudi a estimé que le niveau de financement de l'économie par la sphère bancaire est relativement faible. « C'est une économie d'endettement où le financement par crédit bancaire tourne autour de 30% du PIB », a-t-il précisé. Les plus gros clients des banques, que sont les PME, se heurtent, selon lui, à des contraintes de neutralisation des risques. Il a rappelé la promulgation de la loi sur la société de capital investissement. Cela permettra, d'après lui, de financer les PME à la fois au titre de la création, de la privatisation et du développement de l'activité. « Des textes ont été produits sur le leasing et sur la réduction de la fiscalité sous ce régime. Nous avons la volonté de développer cette activité », a-t-il ajouté. Karim Djoudi, qui refuse d'évoquer le retard, a annoncé que le système de télécompensation de payement de masse sera opérationnel d'ici deux mois ou un peu plus, une fois les tests achevés. « Au courant de mai ou juin 2006, nous allons engager les opérations de télécompensation. Il faut faire intervenir tous les agents financiers de la place, y compris la poste, qui compte 3300 agences. Ce système implique la normalisation des instruments, la mutation des systèmes d'information des banques, la sécurisation des opérations. Il faut également investir en matière de télécoms », a-t-il déclaré. Existe-t-il des résistances à ce projet ? « Je suppose que cette opération doit gêner. Nous travaillons en prenant en compte la nécessité d'avoir un système efficace en termes de rapidité d'exécution des payements et qui assure la traçabilité et la sécurité des opérations », a répondu Karim Djoudi. Ce système permettra, à l'avenir, que le délai de traitement du chèque sera de J+3 à partir de sa remise au niveau de la banque et la constatation de l'existence ou de l'absence de la provision comme source de rejet se fera automatiquement. « Il existe un contexte pour faire de la réforme qui dépasse le cadre purement économique. L'avantage en Algérie est qu'existe un secteur public important. Nous avons donc la capacité de faire travailler presque 90% de la place », a indiqué le ministre. Il a confirmé l'engagement d'un processus de privatisation du CPA. La phase de cession par appels d'offres est prévue pour la fin 2006. Il y a, selon lui, un intérêt de grandes banques européennes pour le CPA (12% du marché bancaire). Des banques intéressées « autant par la privatisation que par le développement de leurs activités ». La BDL sera la prochaine banque privatisable après le CPA. « Toutes les banques sont privatisables, cela dépend de ce que l'on veut faire. Certains partenaires ont besoin d'avoir un réseau. On peut vendre ce réseau. Mais nous voulons conserver des banques publiques (...). Le marché en évolution va déterminer l'avenir de ces banques », a indiqué le ministre, précisant qu'après la privatisation du CPA et de la BDL, il restera quatre banques propriété de l'Etat. Karim Djoudi ne croit pas que la Banque d'Algérie ne soit pas autonome. « Cette autonomie est consacrée dans les textes », a-t-il dit. L'amendement de la loi sur la monnaie et le crédit, en 2003, a, d'après lui, introduit des éléments de sécurité financière. Cet amendement avait été introduit après la faillite de Khalifa Bank. La liquidation récente de certaines banques privées est entendue, selon le ministre, comme une action de rigueur, de contrôle et de sanction des insuffisances par l'autorité monétaire.