Chaque jour, deux enfants porteurs de trisomie 21 naissent en Algérie, donnant une moyenne de près de 800 nouveaux cas par an. L'Association nationale pour l'insertion scolaire et professionnelle des trisomiques (ANIT) se bat depuis 20 ans pour leur arracher une place dans la société. Une dizaine d'enfants et d'adolescents, flûtes à bec et guitares en main, s'installent sur scène et attendent le signal de départ de leur chef de chœur. Dès que ce dernier lève le bras, les sons fusent dans une parfaite harmonie. Ces enfants interprètent l'hymne national puis l'hymne à la joie et bien d'autres morceaux. Une vive émotion plane sur la salle. C'est que cet interlude musical est loin d'être banal. L'orchestre sur scène est celui de l'association Chams qui réunit des musiciens trisomiques. «Un parcours semé d'embûches, mais la présence de nos enfants sur scène est le fruit d'un long combat pour prouver qu'eux aussi peuvent faire des choses, de grandes choses, de belles choses», lance, un peu ému, Ali Chibani, président de l'Association nationale pour l'insertion scolaire et professionnelle des trisomiques (ANIT). C'était hier à la salle Cosmos de Riadh El Feth, lors de la célébration des 20 ans de l'association. Chaque jour, deux enfants porteurs de trisomie 21 naissent en Algérie, donnant une moyenne de près de 800 nouveaux cas par an. Première cause du handicap mental, cette anomalie génétique les expose à une déficience intellectuelle quasi constante et à des problèmes de santé récurrents. Ils seraient près de 100 000 en Algérie. Des êtres d'une grande fragilité nés avec un chromosome de trop, mais avec autant d'attentes que les autres enfants. Quelle place leur réserve la société ? Aucune. Si une, l'ANIT, constituée en majorité de parents d'enfants trisomiques, qui se bat depuis 20 ans pour leur arracher des droits, une place dans la société. Le droit au respect, le droit à l'école D'abord, un droit au respect. «Il a fallu lutter pour que ces enfants cessent d'être considérés comme des ‘‘mongoliens'', terme ô combien péjoratif, comme des handicapés mentaux sans avenir», explique pour sa part M. Aberkane, doyen de l'association. Envisager un avenir possible pour ces enfants marginalisés que la société et que les autorités refusent de voir de trop près, c'est un parcours long et douloureux. Ensuite un droit à une scolarisation adaptée à leur handicap. «Grâce à un projet éducatif adapté, ils peuvent développer des compétences et pourtant, il y a tout juste 20 ans, personne ne pouvait imaginer qu'ils puissent être scolarisés», insiste M. Amokrane. Depuis la création de l'association en 1992, des centaines d'enfants ont pu avoir droit à une prise en charge éducative, orthophoniste et psychologique. Il a fallu négocier, courir, insister pour attirer l'attention des autorités. ANIT aura réussi à forcer l'attention et l'implication des ministères de la Solidarité et de l'Education nationales, entre autres représentants des pouvoirs publics. Mettre la main à la poche 20 ans d'engagement et de ténacité pour réussir à rendre meilleure la vie de tant de trisomiques. 465 enfants porteurs de trisomie 21 sont actuellement scolarisés en Algérie, principalement dans la capitale, grâce à ANIT. C'est déjà un acquis, mais c'est toujours insuffisant. «Il y a, certes, une avancée étant donné que nos enfants ont maintenant droit à des classes spécialisées dans des écoles publiques, où ils peuvent se mêler avec les autres enfants dans les cours de récréation», note M. Amoura, membre actif de l'association et papa d'une petite fille trisomique de 4 ans. Et d'ajouter : «Ce n'est possible que parce que l'association ANIT prend en charge financièrement leurs enseignants et leurs orthophonistes.» Invitée d'honneur de cette journée de célébration des 20 ans de l'association, professeur Marie Odile Rethore, généticienne et membre de l'Académie de médecine de France, n'a pas manqué, lors de son allocution, de rappeler à quel point leur prise en charge est précieuse : «Ils n'ont pas besoin de compassion ni de pitié, juste d'aide et d'estime.» Dans la salle, les parents sont attentifs à la moindre déclaration, au moindre conseil. La détresse est grande. «C'est très difficile pour les parents de prendre en charge le volet médical et psychologique et il est tout de même regrettable que le ministère de l'Education nationale ne prenne pas financièrement en charge leur scolarité», insiste une maman qui a du mal à contenir sa petite. «Ils sont pleins de vie, ils ont besoin d'être accompagnés sérieusement et l'association, à elle seule, ne peut pas tout faire», ajoute-t-elle. L'enjeu pour l'association ANIT, qui veut continuer à se battre pour l'insertion sociale des trisomiques, est justement que leur prise en charge ne soit plus la préoccupation seulement des parents.