Le syndicat national de l'entreprise Naftal monte au créneau pour dénoncer une situation qui menace l'avenir de cette filiale de Sonatrach. Son secrétaire général, Sid Ali Beldjerdi, n'a pas lésiné sur les mots pour protester contre une «mise à mort programmée et savamment planifiée» pour liquider ce fleuron de la distribution des produits pétroliers sur le marché algérien. Devant le PDG de l'entreprise, Saïd Akretche, le secrétaire général du syndicat, qui s'est exprimé à l'ouverture du conseil ordinaire du syndicat à l'hôtel Mazafran d'Alger, accuse ainsi certains responsables de Sonatrach d'être derrière ce plan qui «commence à être exécuté». M. Beldjerdi dit ne pas vouloir être alarmiste, mais «la réalité est là». «Naftal risque bientôt de se voir menacée sur son propre terrain. Sonatrach compte implanter son propre réseau de stations-service et assurer leur gestion, et ce, dans l'optique de concurrencer sa propre entreprise qu'est Naftal», a-t-il dénoncé devant un parterre de syndicalistes et tout l'aréopage dirigeant de Naftal. «A quel objectif stratégique répond-elle cette nouvelle orientation de Sonatrach ? Pourquoi veut-on déposséder Naftal de cette activité ? Pourquoi s'acharne-t-on à dénaturer la vocation de notre entreprise ? Pourquoi Naftal ne cesse, depuis 1986, de connaître des tentatives pour la vider de tout ce qui relève de la création de richesses et de plus-values économiques ?», s'est-il interrogé, enflammant la salle, soulevant un tonnerre d'applaudissements. M. Beldjerdi se dit convaincu de l'existence de «lobbies» qui, selon toute vraisemblance, veulent tuer cette entreprise qui emploie 30 000 travailleurs. Selon lui, Naftal est confrontée depuis plusieurs années à de multiples problèmes et contraintes qui ont considérablement freiné son élan de développement et réduit ses parts de marché. «Nul n'ignore que Naftal est plus qu'une entreprise, c'est une histoire qui fait d'elle sa fierté. Malheureusement, certains semblent indéniablement confondre l'histoire et le passé en voulant confiner notre entreprise à un rôle de figurant économique pour ensuite la laisser agoniser au bonheur des prédateurs économiques qui se sont autoproclamés opérateurs et investisseurs», a-t-il tonné, affirmant que la volonté de démanteler Naftal «ne date pas d'aujourd'hui». Statut pénalisant «Ce n'est pas un secret, c'est une vérité que chacun de nous a vécue et à laquelle chacun a su faire face au prix d'innombrables luttes. Déjà en 1986, Naftal a été amputée de son importante structure de raffinage au motif qu'il s'agissait d'une restructuration du secteur après celle qu'a connue Sonatrach en 1982, comme stipulé dans le décret n°80-101 du 6 avril 1980», a-t-il précisé. Son statut de filiale de Sonatrach est, d'après lui, pénalisant au lieu d'être bénéfique. «Etant propriété de Sonatrach, Naftal n'a de fournisseur, pour les produits de grande consommation qu'elle commercialise, que sa maison mère ; elle ne peut faire appel à un autre fournisseur pour répondre à sa demande toujours en forte croissance et pour augmenter son chiffre d'affaires qui lui permettrait de dégager un cash-flow nécessaire pour financer ses projets et réaliser un plan de développement ambitieux», a-t-il souligné, tout en poursuivant que «cette situation de monopole a beaucoup pénalisé Naftal qui a vu son dynamisme ralentir à cause des lourdeurs administratives inhérentes aux procédures d'acquisition et de marché». Le secrétaire général du syndicat reproche vivement à Sonatrach le fait qu'«elle alimente les concurrents de Naftal sans accorder à notre entreprise des mesures préférentielles». Au contraire. Selon lui, «aussi paradoxal que cela puisse paraître, Sonatrach favorise les concurrents au détriment de sa filiale. C'est une vérité que nous ne saurons taire». M. Beldjerdi atteste ainsi que toutes les demandes et commandes des concurrents privés algériens et celles des multinationales sont satisfaites, et ce, sans prendre en considération la nécessité de préserver les parts de marché de Naftal. «Comment se fait-il que la société mère puisse agir ainsi, si cela ne relève pas d'une volonté délibérée de voir Naftal se débattre dans des difficultés dont la responsabilité ne pourrait lui être endossée ?», s'est-il encore interrogé. Le comble, pour ce responsable syndical, est que ces concurrents privés profitent des avantages du système de la péréquation, et ce, en ayant le loisir de choisir les régions à desservir. «Aucune obligation ne leur a été faite pour servir sur tout le territoire national comme c'est le cas de Naftal qui a consenti un lourd investissement et déployé une importante logistique pour être présente quelle que soit la zone, fut-elle déshéritée», a-t-il relevé, affirmant à titre d'exemple qu'une bonbonne de gaz butane vendue à Tamanrasset coûte à Naftal 3000 DA, alors qu'elle est vendue dans le détail à 200 DA. Le différentiel est entièrement supporté par l'entreprise, assure-t-il. Une contrainte à laquelle n'est pas soumis le privé, insiste-t-il. Pour lui, les décisions «prises çà et là ne favorisent nullement la prospérité de Naftal. Elles la mettent dans une situation handicapante». M. Beldjerdi assure que les travailleurs ne comptent pas se laisser faire et affirme qu'ils sont déterminés à défendre leur entreprise par «tous les moyens légaux». «Nous sommes interpellés, aujourd'hui, à ne ménager aucun effort et à intensifier le travail de proximité au sein des collectifs pour nous regrouper autour de Naftal, défendre ses acquis et poser les jalons d'un lendemain radieux au profit de notre entreprise et de l'économie nationale. C'est le devoir qui incombe à chacun d'entre nous», a-t-il conclu. Un message fort qui risque de susciter de vives réactions de la part de la maison mère qu'est Sonatrach.