L'Algérie, qui était jusque-là un pays de transit pour les migrants subsahariens, est désormais confrontée à une nouvelle problématique migratoire avec l'afflux de réfugiés syriens et maliens fuyant leurs pays. Lors d'une conférence-débat organisée hier à Alger, Mohammed Saïb Musette, chercheur au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Créad) et spécialiste des questions migratoires, a tiré la sonnette d'alarme sur un phénomène dont on ne peut prévoir les évolutions futures. Il est à observer des flux de croissance accélérée durant cette année 2012. Pour l'instant, ces migrants ayant fui leur pays ont trouvé une solidarité spontanée auprès de la population, ils ont été gérés sur le plan humanitaire, mais le fait est que l'hiver arrive et qu'il est important de prendre des mesures», fait remarquer Mohammed Saïd Musette. Selon les données communiquées hier, la communauté des ressortissants étrangers se compose essentiellement de réfugiés sahraouis (56%), de travailleurs étrangers (15%), d'étudiants et enseignants étrangers (3%) ainsi que de migrants en situation irrégulière. Cette dernière frange est composée principalement de Subsahariens dont la moitié est originaire du Mali. Sur le plan juridique, ces migrants sont en situation irrégulière mais l'Etat les tolère pour des raisons humanitaires. «Il n'est pas possible de demander à des ressortissants syriens, par exemple, de rentrer chez eux alors que leur pays est à feu et à sang», nous explique un représentant de Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH). «D'un autre côté, ils ne veulent pas du statut de réfugiés car ils aspirent à rentrer chez eux dès que la situation sera apaisée.» Mais l'Algérie reste un pays d'émigration dont une partie de la jeunesse est prête à tout pour gagner l'Europe. Nouredine Khaled, psychosociologue, a présenté une étude réalisée pour l'Association pour l'aide, la recherche et le perfectionnement en psychologie (SARP) portant sur les mineurs harraga. Il a ainsi expliqué que ces jeunes qui s'embarquent en mer au péril de leur vie ont besoin de se confronter à leurs limites. Il assimile les harraga à une nouvelle forme de contestation périlleuse mais moins violente que l'immolation. Les harraga sont pour la plupart de sexe masculin, exclus de l'école (20% ont un niveau primaire, 53% moyen et 24,2% secondaire) et ayant des problèmes familiaux. «Le système éducatif a échoué dans la mesure où il n'offre pas de modèle d'identification, constate Nouredine Khaled. Le père ne constitue pas non plus un modèle de réussite pour ces jeunes. Ils sont conscients des dangers mais considèrent cette aventure comme un défi», une manière de démontrer leur virilité.