Après s'être dotée d'une politique de développement économique (Nepad) et avoir défini les instruments pour éviter que le continent africain ne devienne une terre d'asile pour le terrorisme, l'Union africaine (UA) a décidé, depuis son dernier sommet, tenu en janvier dernier à Khartoum, au Soudan, de s'attaquer à un autre gros dossier : la migration. Un autre gros dossier parce que de toutes les parties du monde, l'Afrique est la plus touchée par ce phénomène. Il existe actuellement près de 17 millions de migrants africains sur le continent, soit 2% de la population totale. Des prévisions avancent qu'un Africain sur dix sera un migrant en 2025 si rien n'est fait pour fixer les populations dans leurs pays respectifs. Un scénario catastrophe prédit qu'à l'horizon 2050, un habitant sur cinq dans le monde sera originaire d'Afrique. Les raisons à l'origine de la multiplication des flux migratoires sur le continent sont faciles à deviner. La mauvaise gouvernance, la pauvreté, les crises économiques à répétition et les guerres civiles meurtrières vécues épisodiquement par certains pays restent les principales causes qui poussent les populations à s'exiler dans les régions les plus prospères du continent. L'aggravation de ce phénomène ces vingt dernières années fait que l'écrasante majorité des pays africains sont devenus, aujourd'hui, des pays d'origine, de transit ou de destination de migrations, cela en même temps qu'ils sont confrontés directement aux multiples problèmes humains, économiques, sociaux et sécuritaires engendrés par ces situations. UNE REPONSE COLLECTIVE Ce constat effrayant a amené les experts de l'UA à tenir, hier à Alger, une première réunion en vue de trouver une réponse urgente et, surtout, collective à ce phénomène. Et à ce propos, de nombreux observateurs estiment qu'une réponse collective s'impose d'autant que des pays de l'Union européenne (UE) tentent actuellement d'imposer à certaines capitales africaines leurs politiques d'immigration. L'importance de la menace, les difficultés et les handicaps posés au continent par la question des mouvements migratoires amèneront, d'ailleurs, le ministre algérien des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, à parler de défi de « grande envergure » lorsqu'il a rendu compte de la complexité du dossier. « Il est vrai que ce phénomène, sous ses formes légales et clandestines, devient chaque jour plus présent et nous pose, individuellement et collectivement, un défi de grande envergure », a souligné M. Bedjaoui dans une allocution à l'ouverture de cette réunion de l'UA présidée par Alpha Omar Konaré, le président de la commission de l'Union africaine, et à laquelle ont pris part une cinquantaine de représentants de pays africains. De nombreux observateurs internationaux ainsi que des ambassadeurs de pays européens étaient également présents. Si pour M. Bedjaoui l'enrayement du phénomène de la migration nécessite l'exploration de « nouvelles avenues pour une meilleure mobilisation des apports des diasporas en matière de savoir-faire, d'expérience professionnelle et d'investissement », il a souligné la nécessité néanmoins pour l'Afrique de faire en sorte de garder ses compétences pour sortir du sous-développement. Soutenant l'idée que la pauvreté et l'exil « ne sont pas une fatalité que les Africains doivent subir éternellement », le ministre algérien des Affaires étrangères a estimé primordial que l'Afrique inscrive son approche conceptuelle et de traitement de la question de la migration « dans le cadre global du développement ». Car, selon lui, « c'est là que réside à terme la solution aux flux migratoires ». A ce propos, la délégation algérienne présente à la réunion s'est montrée persuadée que les grands projets structurants lancés par l'Algérie de concert avec certains pays de la région du Sahel participeront à enrayer, en partie, les flux migratoires dans la région. A signaler, au passage, que l'Algérie est passée en quelques années du statut de pays de transit à celui de pays de destination. Actuellement, il est recensé dans la seule région de Tamanrasset près de 44 nationalités de migrants. Abordant justement la question de la migration illégale, M. Bedjaoui a indiqué que la lutte contre ce phénomène, dans ses différentes variantes et ramifications, est une « impérieuse nécessité qui concerne nos pays individuellement et collectivement ». Celle-ci les incite, a-t-il poursuivi, à « veiller au strict respect de leurs lois et règlements respectifs en matière d'admission, de circulation et de séjour des étrangers », et les invite à « promouvoir la mise en place d'instruments de coopération bilatérale et régionale efficaces, fondés sur le respect des droits de l'homme et de la dignité des migrants ».