-Un accord a enfin été conclu avec le constructeur Renault pour implanter des unités de production en Algérie. La polémique sur le montage financier du projet est vive. Quelle lecture faites-vous de ce contrat ? Il y a lieu, en premier, de relever certains points qui me semblent importants de cet accord conclu avec le constructeur français Renault, dont certains restent méconnus jusqu'ici. Une lecture objective de cet accord permettra de tirer au clair les avantages importants accordés au constructeur français, comparativement aux profits que générerait la partie algérienne. Durant les différents épisodes de conciliabules, Renault a tenté de tirer le maximum de ces avantages, tandis que la partie algérienne s'était appliquée à faire venir, à tout prix, et à des considérations autres qu'économiques, les unités de fabrication de Renault. Et c'est ainsi que le seul avantage cédé par le constructeur à la partie algérienne est celui de ramener la durée de l'exclusivité de 5 années à 3 ans seulement. A l'opposé, Renault a pu tirer plusieurs profits de ces négociations, dont cette exclusivité sur le marché qui inhibe toute forme de concurrence pendant trois ans. Ce n'est pas tout, puisque Renault a su convaincre la partie algérienne de l'obligation d'écouler l'ensemble des voitures fabriquées en Algérie, quitte à ce que l'Etat rachète le reste de la marchandise, si celle-ci venait à ne pas trouver d'acquéreurs. Autre avantage, le produit est considéré à 100% algérien, même si le taux d'intégration ne dépasse pas les 10 à 12% durant les premières années de fabrication. A cela s'ajoutent d'autres avantages fiscaux et la subvention, par l'Etat, des prix de l'énergie. Sur le plan de la gestion, Renault s'est emparé du droit de manager l'entreprise mixte dans laquelle elle ne détient pourtant que 49%. -Il semblerait que d'autres avantages sont prévus en aval au profit de Renault ; pouvez-vous nous en parler ? En effet, Renault conserve intacte cette possibilité de recourir aux crédits bancaires en Algérie, d'autant plus que l'apport financier à la charge du constructeur est insignifiant (50 millions d'euros), alors qu'il doit injecter au moins 490 millions d'euros du coût global du projet estimé à environ 1 milliard d'euros. Il est prévu également le retour du crédit à la consommation pour avantager la production nationale, dont la voiture de type «Symbol» que devra commercialiser Renault en Algérie. Le constructeur devrait s'approvisionner en composants et pièces détachées depuis ses usines en Roumanie, Turquie et France, tandis que la sous-traitance algérienne ne fera qu'alimenter les unités en petites pièces, une situation qui devrait perdurer au moins 4 ans avant de parvenir à rehausser le taux d'intégration à environ 42% dans un délai de 8 à 10 ans. C'est ainsi qu'un comparatif des avantages fait ressortir des gains plus importants pour le constructeur français comparativement aux bénéfices que devrait empocher la partie algérienne. Il faudra préciser, enfin, que le principe d'exclusivité sur le marché n'a jamais été appliqué ailleurs au profit de Renault ni en Turquie, ni en Roumanie, ni en Slovénie, encore moins au Maroc. On se demande dès lors le pourquoi de cette exclusivité en Algérie. -Une autre polémique entre experts invoque des disparités énormes entre l'usine de Renault à Tanger (Maroc) et celle prévue en Algérie ; qu'en dites-vous ? En effet, si on se met à comparer l'usine Renault de Tanger (Maroc) à la future unité de production de Renault en Algérie, d'énormes disproportions sont à relever. Sur le plan du coût d'abord, l'usine Renault-Dacia au Maroc, dont le montage financier est assuré par les deux parties, coûte 1 milliard d'euros pour la production de 200 000 véhicules/an, avant de passer à 400 000 véhicules/an à court terme. En Algérie, le coût est le même, mais la production, elle, ne doit pas dépasser 25 000 unités/an. Un seul modèle (Symbol) est prévu. L'usine Renault de Tanger a démarré avec un taux d'intégration de 45% pour arriver à terme à 85%, tandis que l'usine de montage du constructeur en Algérie démarrerait avec un taux d'intégration de 10 à 12% pour arriver, à terme, à une proportion maximale de 42%. Il faut reconnaître que le pays souffre toujours des effets de la désindustrialisation auxquels il fait face depuis deux décennies au moins. Et si on parle de la cadence de production, là il faudra relever le fait que les unités de Tanger produisent 30 voitures/heure en deux types pour atteindre à terme une cadence de 60 voitures/heure. La cadence ne sera pas la même pour les unités de production algériennes qui devraient démarrer avec 7 voitures produites chaque heure et un seul modèle pour arriver, à terme, à 15 véhicules/heure. Il est utile de préciser également que le marché algérien ne bénéficiera aucunement d'une production estimée à 25 000 unités/an et d'un seul modèle fabriqué. Le marché est pourtant important. Il est le deuxième en Afrique, derrière l'Afrique du Sud, et loin devant le marché marocain, dont la croissance annuelle ne dépasse pas 15%. La croissance du marché algérien est estimée à 40% par an, fort de 510 000 véhicules importés cette année. Toute la différence est là.