Après Alger en 2007, Constantine sera la «capitale de la culture arabe» en 2015. Une nomination qui ravit les autorités nationales, mais suscite le scepticisme des observateurs du monde culturel. En 2007, ce fut Alger. En 2015, ce sera Constantine. La capitale de l'Est a été désignée, dimanche, Capitale de la culture arabe par l'Organisation arabe pour l'éducation, la culture et les sciences (Alecso), qui siège à Tunis. Pourquoi Constantine ? Pour les autorités, rien de plus évident. La ville est «le berceau du savoir et des érudits dont le pionnier de la pensée réformiste, cheikh Abdelhamid Ben Badis», affirmait le ministre de l'Education nationale, Abdelatif Baba Ahmed. Il y a plus de 2000 ans, Cirta était la capitale de la Numidie, le royaume berbère du roi Massinissa. Plus récemment, Constantine fut aussi la ville de figures culturelles comme l'écrivain Malek Haddad ou les chanteurs Hadj Mohamed Tahar Fergani et Enrico Macias. Plusieurs monuments de la ville peuvent témoigner de cet ancrage civilisationnel arabe. D'abord, la mosquée et la médersa Sidi El Kittani ainsi que la mosquée Al Akhdar, construite par Salah Bey au XVIIIe siècle. La Grande mosquée, fondée sur les ruines d'une église par les Hammadites, est le plus ancien édifice religieux islamique connu à Constantine, d'influences hafside, ottomane et malékite. Mais pour les observateurs, ce choix suscite des questions. D'abord, pour certains, la ville des Ponts tient plus de l'influence culturelle berbère qu'arabe. Aujourd'hui, Constantine n'est pas non plus une ville où la création culturelle foisonne, souligne Abdelmajid Merdaci, professeur à l'université de Constantine (voir ci-contre). Enfin, pour Ammar Kessab, universitaire et expert en management culturel, «sans événement majeur à organiser en 2013, les autorités en charge de la culture se trouvent en manque de moyens financiers pour continuer à mettre en œuvre une stratégie budgétivore d'hégémonie sur l'ensemble du secteur culturel et artistique dans le pays». Cette nomination serait donc le résultat d'une stratégie d'anticipation pour trouver des fonds spécifiques. Selon lui, après la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe» en 2007, il est en effet insolite qu'une deuxième ville algérienne devienne, à peine 8 années plus tard, à son tour une «capitale culturelle arabe» malgré le principe «tournant» sur les 22 Etats de la Ligue arabe. Pour un autre observateur, le choix de Constantine s'explique aussi par le fait qu'Alger est un bailleur de fonds important de l'Unesco, un organe culturel de l'ONU qui soutient la manifestation «Capitale de la culture arabe». Pourtant, les objectifs culturels de l'Alecso sont précis : réaffirmer l'importance de l'unité culturelle arabe, donner une image claire et positive de la civilisation arabo-musulmane, réaffirmer toute l'attention devant être accordée à la création et promouvoir davantage le secteur des industries culturelles. S'il semble qu'aucun de ces objectifs ne reflète la réalité de la vie culturelle constantinoise, la manifestation de 2015 pourrait peut-être permettre à la ville de les atteindre. En attendant, les autorités locales ont d'ores et déjà annoncé qu'elle lançaient des consultations autour de cet événement. Le ministre de l'Education nationale, Abdelatif Baba Ahmed, a promis que l'événement serait «des plus réussis».