Je vous invite à mon anniversaire dimanche. Nous allons nous rencontrer, jouer, manger des gâteaux et prendre des boissons.» Les derniers mots écrits par la petite Chaïma Yousfi à ses camarades de classe avant d'être enlevée et sauvagement tuée, fin décembre, par un monstre humain à Zéralda, à l'ouest d'Alger. Chaïma n'a pas pu célébrer son neuvième anniversaire comme elle aurait voulu le faire car, en Algérie, le kidnapping d'enfants est devenu un sport national. La faute à qui ? Aux services de sécurité omniprésents dans les villes et villages, et incapables de prévenir un phénomène qui prend de l'ampleur au fil des mois ? A l'école qui a perdu les véritables ressorts de l'éducation civique et sociale ? A la société qui «laisse faire» la violence au milieu d'une incroyable indifférence et une profonde passivité ? L'usage de «l'épée» et des couteaux «bouchia» est devenu banal, le rapt chose courante, notamment, en Kabylie. La drogue dans les lycées et collèges ? Un jeu d'enfant ! Et les agressions pour vol dans les rues ? Un pain quotidien. Dans les quartiers, personne ne remarque ce voleur «qui» casse les appartements et les maisons du voisinage en plein jour. Non, rien vu. Pas de témoins. La police et la gendarmerie font, elles, dans la «com'», chargent la télévision d'Etat de diffuser des images à travers des publi-reportages, et puis rien ! L'assassin de Chaïma court toujours. Les familles algériennes ont aujourd'hui peur. Un sentiment généralisé. Les parents accompagnent désormais leurs enfants à l'école partout dans le pays. Où est donc toute cette puissance de l'Etat, l'Etat qui rassure et qui protège ? Le débat sur «l'aggravation» des peines pour les délinquants sexuels, pédophiles et kidnappeurs d'enfants ne sert à rien. La raison en est simple : la violence a atteint un stade démoniaque par la faute de tous. L'impunité, instaurée après le processus dit de «réconciliation nationale», a balisé le chemin aux comportements violents et agressifs, à l'incivisme, à la hogra, à la haine et à l'arbitraire. Et comme la violence n'a pas suffi, les enfants sont exploités dans les marchés et dans des entreprises privées, payés comme des esclaves des temps modernes. De 2000 à 3000 enfants «travaillent» dans des marchés de fruits et légumes, selon l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA). Là aussi, les yeux de ceux qui imposent le respect et l'application de la loi n'ont rien vu. Comme d'habitude. Peut-être que le martyr de Chaïma va ouvrir ces yeux et réveiller les consciences. Peut-être.