«Après un été très chaud, arrive toujours un hiver très rigoureux». dicton populaire. D'après Electricité de France (EDF, RTE, Réseau de Transport d'Electricité), l'Europe va manquer d'électricité cet hiver. La sécurité de l'alimentation électrique s'est dégradée depuis l'hiver dernier, et pourrait provoquer des perturbations sur le réseau électrique européen en cas de fortes vagues de froid. Comme les pays européens sont dépendants des échanges énergétiques, certains d'entre eux vont rencontrer des situations très tendues au niveau de leurs réseaux électriques. Les difficultés en matière de maîtrise et de conduite de leurs réseaux seront accentuées par la conjonction de situations et d'événements défavorables dans plusieurs pays, traversés à la fois par une vague de froid prolongée, par l'existence de vents violents, et aussi probablement par l'enneigement et le givrage des lignes haute tension du transport de l'énergie électrique. EDF (RTE) annonce qu'en France le risque de coupures sera modéré, et ce, grâce à un réseau électrique de transport consistant, à une capacité de production stable et aussi à l'apport de nouvelles centrales éoliennes et de turbines à gaz pour compenser ainsi l'augmentation de la consommation prévisionnelle pour cet hiver. Il est à noter que la France a atteint en févier dernier (2012) un pic de consommation évalué à plus de 100 000 mégawatts (MW), et la vague de froid a poussé Electricité de France à importer une puissance supplémentaire de 9000 MW pour éviter et alléger les coupures et les délestages sur son réseau. Il y a dix ans, le 3 février 2003 vers 19 heures, a eu lieu un black-out total sur le réseau électrique national algérien, suite à une augmentation importante de la consommation électrique due à une vague de froid exceptionnelle qui a duré une dizaine de jours sur l'ensemble du pays. A toutes ces contraintes, il s'est produit la perte simultanée de 2 gros groupes d'une centrale électrique nouvellement installée, à l'époque, au centre d'Alger, en pleine «Pointe Lumière», représentant plus de 10% du parc de production, mis en service ce jour-là. D'autres aléas sont venus s'ajouter à ces perturbations : - la défaillance du plan de sauvegarde national du réseau électrique qui n'a pas fonctionné conformément aux consignes d'exploitation. Les «paquets» de charges à délester automatiquement dans les différents stades, en cas d'incidents majeurs, ne contenaient pas les charges préétablies et escomptées par les services concernés. Et les protections d'îlotage régional n'ont pas fonctionné comme cela est consigné dans le plan directeur de sauvegarde des réseaux régionaux. - L 'isolement du réseau électrique algérien par la perte des lignes d'interconnexions maghrébines (ouvertures automatiques), suite aux dépassements des seuils d'échanges préréglés par les trois sociétés maghrébines, Sonelgaz, One (Office national de l'électricité-Maroc) et la Steg (Société tunisienne de l'électricité et du gaz). Toutes ces carences qui se sont produites en temps réel et en moins de 10 secondes ont contribué à provoquer un déséquilibre important sur le réseau électrique national, devenant ainsi déficitaire, et rendant la production très inférieure à la consommation prévue à cette pointe du soir. Cet état de déséquilibre, avec une baisse de fréquence importante, a entraîné la perte de toutes les centrales électriques interconnectées au réseau et c'est le black-out au niveau national. Après un temps de réflexion technique, les techniciens de l'Opérateur-système (Dispatching national), et avec la contribution des opérateurs des dispatchings régionaux, de tous les techniciens des centrales et des postes électriques, ont procédé au rétablissement du réseau électrique et à la reprise progressive et complexe de l'alimentation électrique de toutes les localités, villes et régions d'Algérie en un temps honorable. A titre indicatif, des pannes majeures et des black-out ont été enregistrés dans plusieurs pays depuis ces dernières années et ont été difficilement maîtrisés, et le rétablissement du réseau a été effectué avec un temps relativement plus long et dépassant parfois les 24 heures dans certains pays. Les Etats-Unis en 1977, 1998, 2003, 2008 ; la France en 1978, 1987 ; le Canada en 1989, 1998 ; la Suisse en 2003, 2005 ; l'Italie en 2003 ; le Luxembourg en 2004 ; la Finlande, la Suède et le Danemark en 2003 et l'Inde en 2012. Depuis quelques années, le réseau électrique algérien enregistre des pics de consommation très élevés, et la demande augmente d'année en année, en période de «pointe industrielle», entre midi et 16 heures, en période estivale. Cela est dû à la dotation par la majorité des foyers algériens d'un ou plusieurs climatiseurs, l'utilisation des appareils réfrigérants commerciaux et ménagers, la multiplication des petites industries et le développement de la grande industrie (sidérurgie, pétrochimie, cimenteries, etc.). Tous ces appareils domestiques et toutes ces machines industrielles possèdent des moteurs et consomment beaucoup de puissance active et surtout de la puissance réactive. Le réseau électrique algérien est devenu, depuis ces dix dernières années, un réseau «inductif», c'est-à-dire qu'il a grandement besoin de la disponibilité de compensateurs et de batteries de condensateurs installés au niveau des points de répartition et de consommation (postes HT/MT et MT/BT) pour produire cette «puissance utile» près des points de consommation. Cette disposition va permettre de réduire les transits des courants réactifs sur les lignes de transport et de distribution, et par conséquent diminuer les pertes lignes et cela va assurer un meilleur plan de tension national, régional et local. Malgré la disponibilité d'un parc de production d'électricité supérieure à la consommation prévisionnelle, en été Sonelgaz n'arrive pas à assurer une bonne qualité de service à ses abonnés domestiques et industriels dans certaines régions et localités du pays. Il est utile de rappeler que le délestage n'est pas causé uniquement par le manque de moyens de production ; il est aussi pratiqué préventivement lors des surcharges de lignes de transport et de distribution, lors des surcharges des transformateurs, et lorsqu'on enregistre des baisses de tension intolérables. Pour cet hiver 2012/2013, une vague de froid prolongée et permanente en Algérie, au Maghreb et en Europe va mettre Sonelgaz dans l'incapacité d'importer de l'électricité des pays voisins et de l'Europe en période de «Pointe Lumière», puisque les réseaux de ces pays seront aussi très saturés et seront dans l'impossibilité d'assurer une exportation énergétique vers le réseau algérien. Comme le réseau de transport de l'électricité de Sonelgaz a ses limites techniques de transmission, il sera dans l'incapacité d'acheminer la totalité de la production des centrales électriques disponibles au niveau national vers les points de répartition et de consommation, et le risque des coupures et des délestages de tout genre restera d'actualité cet hiver. Pour réduire et modérer ces aléas aux abonnés, il est impératif de se préparer dès maintenant à affronter cette période d'hiver avec le maximum d'atouts, une veille technologique et des moyens techniques et humains afin d'examiner, d'étudier et de réviser éventuellement le plan de sauvegarde national pour assurer au mieux le fonctionnement du réseau électrique national.