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«La date de référence du calendrier amazigh précède de près de 10 siècles celle du calendrier grégorien»
Saïd Chemakh. Professeur de linguistique amazighe à l'université de Tizi Ouzou
Publié dans El Watan le 12 - 01 - 2013

-Pouvez-vous nous parler brièvement de l'histoire de Yennayer ?
Jusqu'à 1980, Yennayer était célébré mais considéré comme une fête paysanne. Le rituel qui l'accompagnait était similaire à celui de toutes les festivités figurant dans le calendrier agraire traditionnel.
C'est-à-dire, la veille, il a un changement de dîner (repas spécial). Il était considéré comme une des portes de l'année (tiwwura n useggas), où les paysans émettent des souhaits pour que l'hiver ne soit pas rude et qu'ils aient une bonne récolte.
Après le printemps 1980, ce sont les étudiants de l'université de Tizi Ouzou qui ont donné une autre symbolique à Yennayer en le haussant au titre d'une festivité authentiquement amazighe. L'autre symbolique de cette date est la référence à Chachenaq qui a fondé la 22e dynastie pharaonique en 950 avant Jésus-Christ. De ce fait, les militants de l'académie berbère, dans les années 1970, qui avaient proposé cette date, voulaient que le décompte soit supérieur à ceux des calendriers grégorien et hégirien. C'est-à-dire, en 2013, nous en serons en 2963, soit une référence à un événement historique précédant de près de 10 siècles la référence de l'ère chrétienne.
-Le nouvel an amazigh est-il célébré seulement dans les régions berbérophones ?
Actuellement, cette fête du nouvel an berbère est célébrée même par les institutions. Tant mieux, d'ailleurs. Cela démontre que l'Etat ne veut pas se situer en dehors de la société.Durant les années 1980 et 1990, ce sont des associations culturelles qui s'étaient investies pour réhabiliter cette date.Au fur et à mesure que le temps passe, on découvre que non seulement tous les groupes berbérophones d'Afrique du Nord qui ont cette fête en partage, mais il y a aussi les Berbères arabophones des Hauts-Plateaux algériens et d'ailleurs qui l'ont gardée toujours comme un héritage culturel après leur arabisation au Moyen Âge.
-Que préconisez-vous, en tant que chercheur, pour l'institutionnalisation de Yennayer et son inscription dans le calendrier des fêtes officielles en Algérie ?
Yennayer doit absolument être institutionnalisé comme fête officielle. Encore une fois, un Etat qui est en dehors de la société ne sera jamais viable.On peut voir l'exemple des Berbérophones libyens qui ont, après avoir fait tomber la dictature d'El Gueddafi, pris leur destin en main, en faisant des pas de géant : tamazight langue officielle et son enseignement comme première langue pour les écoliers dès l'âge de six ans. Yennayer est consacré aussi fête officielle. Certes, il y a encore des relents du baâthisme chez les collaborateurs de l'ancien régime recyclés dans la nouvelle structure étatique, mais ils n'oseraient pas venir défier les Berbères à Ath Ifrène, Zouara, Adrar Nefoussa… Ces mêmes Imazighen étaient, par leur puissance de feu, les premiers à prendre Tripoli.


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